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leur plan, tous deux inexécutables ; le Directoire de Buenos-Ayres marchande les subsides et les renforts, et veut se limiter à une petite action sur le Chili méridional, sans comprendre le danger d’interrompre une telle entreprise avant la défaite complète de l’adversaire. Les ennemis jaloux essayent en vain de le remplacer dans son Gouvernement ; les conseils locaux s’y opposent et un directeur y perd-son mandat. Enfin il est compris du directeur Pueyrredon et il obtient carte blanche : l’armée des Andes est créée.

Dans le plus grand secret, il met la dernière main à ses préparatifs ; un adroit stratagème lui permet la reconnaissance de ses itinéraires ; il sait tromper l’adversaire par une utile diversion ; enfin au commencement de février 1817, il passe les Andes par deux cols, à près de 4 000 mètres d’altitude, avec 4 000 réguliers et 1 200 auxiliaires. Trompé par d’habiles manœuvres, l’ennemi a dispersé ses forces et San Martin réunit les siennes avant que cette faute ait été réparée. Il couronne cette magnifique opération par la victoire de Chacabuco, qui libère la plus grande partie du Chili. Comme San Martin a amené avec lui les cadres de l’émigration chilienne et des armes, une armée nationale s’organise de toutes pièces ; il refuse toute fonction politique, les laissant à O’Higgins, et se contente du commandement des troupes. En 1818, une nouvelle armée espagnole venue du Pérou est battue à Maipu et le Chili est définitivement délivré. Lord Cochrane organise sa flotte, bat la flotte espagnole au Callao, bloque les ports du Pérou, et l’année 1820 voit le débarquement de San Martin près de Pisco. Enfin il occupe Lima, où il proclame le 28 juillet 1821 l’indépendance du Pérou dont nous allons fêter aujourd’hui le centenaire.

Le Nord du continent latin a été délivré par Bolivar, qui rencontre San Martin a Guayaquil, pour discuter avec lui les destinées du Nouveau-Monde. Les deux chefs ont les mêmes qualités d’action, les mêmes talents militaires, le même patriotisme américain ; mais tandis que San Martin recevait une rude formation militaire, Bolivar n’a parcouru l’Europe de la Révolution que pour y chercher des leçons et des exemples politiques ; Bolivar a tous les défauts en même temps que toutes les qualités du créole ; actif et tenace, généreux et brave, comme San Martin, il est violent, grandiloquent et sensuel, tandis que