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en 1727, à l’image des institutions de son grand père Louis XIV. Il en sortit cadet à dix ans en 1788, et servit à Mélilla et à Oran, puis sur les Pyrénées contre nos armées de la Révolution. Son régiment envahit le Portugal avec les troupes françaises, puis se bat contre elles avec les troupes anglaises jusqu’en 1811, et l’un de ses compagnons d’armes l’envoie à Londres ; il s’initie à la loge maçonnique où Miranda et Bolivar, pour le Venezuela et la Colombie, Mier pour le Mexique, Carrera pour le Chili, Alvear pour le Rio de la Plata, complotent depuis plusieurs années l’indépendance de l’Amérique espagnole.

Le 9 mars 1812, la frégate anglaise George Canning débarque à Buenos-Ayres le colonel don José de San Martin, et c’est un fait capital dans l’histoire du Nouveau-Monde.

Le jeune colonel de trente-quatre ans arrive avec une vaste expérience militaire et une réputation de bravoure et d’habileté acquise sur les champs de bataille de Baylen et d’Albuféra ; il a quitté son pays tout enfant et le rejoint en pleine lutte pour l’indépendance, proclamée deux ans auparavant, mais toujours en danger. Il n’a d’autre bien que son épée, mais il sait s’en servir. Le Gouvernement de Buenos-Ayres le désigne pour commander le régiment des grenadiers à cheval : il en fait une troupe d’élite, qui, au milieu des armées improvisées de l’insurrection, servira de modèle aux autres corps et le suivra toujours et partout, comme les « Côtes de fer » suivaient Cromwell. Le beau combat de San Lorenzo le met en évidence ; il remplace dans le commandement de l’armée du Nord le général Belgrano qui, après quelques succès, a échoué dans sa tentative d’invasion du Haut Pérou. San Martin réorganise cette armée et instruit ses cadres : il sait que c’est par là qu’il faut toujours commencer. De hardis partisans « gauchos » harcèlent les royalistes espagnols et semblent ouvrir la route à de nouvelles opérations de ce côté. Mais San Martin voit toutes les difficultés que présente le passage des deux Cordillères et l’attaque directe du Pérou, qui se heurte à toutes les ressources du Vice-Royaume. La lointaine Lima est la capitale, tout près de la mer ; en agissant par le Chili, on paraît s’en éloigner encore : mais ce pays peut devenir rapidement une base militaire et navale, d’où par mer on peut atteindre Lima. Sa correspondance expose les grandes lignes de ce plan dès avril 1814. C’est donc sans regret qu’il cède à son émule Alvear, qui vient de prendre Montevideo, le commandement