à dos d’homme par la corvée des Indiens ; ce mode de transport barbare a été supprimé et le rail n’a pas encore atteint la forêt tropicale : dès qu’il y accédera, la côte du Pacifique reverra les bois précieux, et on peut espérer qu’ils retrouveront quelque originalité. Mais aujourd’hui, il est plus économique de bâtir les maisons et de fabriquer les meubles avec les bois importés de l’Amérique du Nord ou de l’Europe. Le mobilier moderne s’efforce vers une sobriété banale, et un appréciable confort, avec quelque lourdeur de goût dans les bois un peu trop dorés : bref, ce qu’on retrouve aujourd’hui dans tout l’univers.
Le ministre des Relations extérieures, M. Salomon, nous accueille avec une courtoisie particulière ; c’est un homme très jeune, dont l’esprit délié s’exprime en un pur français ; plein de goût, il prise le cadre ancien qui l’entoure, sans gêner sa pensée très moderne ; il joint à la maturité d’esprit les avantages de la jeunesse, et se trouve tout à fait à sa place dans ce vieil hôtel et dans ces importantes fonctions.
23 juillet. — C’est aujourd’hui que je présente mes lettres de créance au Président de la République du Pérou, M. A. B. Leguia. Un escadron de cavalerie, armé, équipé et habillé comme nos dragons de 1914, escorte les carrosses de gala qui conduisent à sa maison particulière l’ambassade de France. Un bataillon avec son drapeau et la compagnie de débarquement du Jules Michelet rendent les honneurs. Le Président nous reçoit, entouré de ses ministres et des hauts fonctionnaires de l’Etat ; c’est un homme encore jeune, mince, de taille moyenne, dont les traits fins et réguliers, volontairement immuables, ne s’animent que dans la conversation ; son regard pénétrant brille alors, et par instants sa physionomie très affable prend un air d’autorité et d’énergie très significatif ; il est en habit et porte en sautoir le grand cordon aux couleurs nationales, rouge et blanc, insigne de ses fonctions, avec à la main une canne d’écaille garnie d’or, bâton de commandement. Nous échangeons les discours convenus, qui rappellent l’amitié séculaire entre les deux pays et le rôle de la pensée française dans l’indépendance aujourd’hui commémorée. Je revêts ensuite le Président du Grand Cordon de la Légion d’Honneur ; je lui donne l’accolade rituelle, qui prend à ce moment toute sa signification ; ce sont bien les deux nations qui témoignent solennellement de leur