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demandons seulement, dans leurs rapports avec les autres peuples, d’accepter les règles que l’unanimité des peuples civilisés considère comme la sauvegarde des droits des États comme des individus. Il y a, dans ce débordement d’orgueil national, beaucoup d’inexpérience et de jeunesse : mais c’est un état d’esprit dangereux contre les impulsions duquel l’Europe serait obligée, s’il prévalait, de prendre certaines précautions défensives.

Quant à la question du Khalifat, elle intéresse avant tout les musulmans ; il ne nous appartient pas de décider en leur lieu et place si l’élection du Khalife par une assemblée politique donne à son autorité religieuse des garanties suffisantes d’indépendance, ni de savoir si les fonctions de Khalife peuvent, après tant de siècles, être exercées désormais par un personnage qui ne serait pas en même temps un souverain temporel. Une telle controverse nous reporte aux premiers successeurs du Prophète, au temps où le Khalife politique Mohawiah faisait assassiner les enfants de son prédécesseur Ali, Khalife religieux et gendre de Mahomet.

La loi du 1er novembre implique, aux yeux des Turcs, la nullité de tous les actes du Gouvernement de Constantinople postérieurs au 16 mars 1920, par conséquent du Traité de Sèvres et de tous les autres accords, emprunts ou conventions négociés depuis cette date. Le 3 novembre, Ferid bey, représentant à Paris du Gouvernement d’Angora, a notifié par lettre cette nullité à M. Poincaré.

Quelle serait, en présence du vote de l’Assemblée, l’attitude du Sultan et de ses ministres ? Plusieurs des ministres étaient acquis d’avance aux volontés d’Angora ; les autres, menacés d’être jugés comme coupables de haute trahison s’ils s’obstinaient à rester en fonctions, donnèrent leur démission le 4 novembre. Refet pacha, déjà chargé de l’administration de la Thrace, déclara assumer également l’administration de Constantinople, supprima tous les organes de l’ancien Gouvernement ottoman et prétendit même rejeter le contrôle des hauts-commissaires alliés. On s’attend à l’abdication prochaine du Sultan. La situation semble devenir de plus en plus menaçante. Refet pacha a remis, le 5, aux hauts-commissaires une note demandant l’évacuation immédiate de Constantinople par les troupes alliées ; ceux-ci, se référant à l’accord de Moudania, ont refusé. Môme refus à une nouvelle note demandant, contrairement à l’armistice de Moudros qui stipule l’ouverture des Détroits, que les navires de guerre soient tenus de demander l’autorisation de franchir les Détroits et obligés de saluer dans le port le nouveau Gouvernement de la