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maritimes qui vient de faire, à la Chambre, l’objet d’un débat où le langage honnête et énergique de M. Rio, sous-secrétaire d’État à la marine marchande, a été très généralement approuvé, sont ruineuses pour la prospérité de la navigation et du commerce français ; désavouées par la majorité des travailleurs intéressés, elles sont l’œuvre de quelques meneurs, étrangers ou naturalisés, qui y trouvent la satisfaction de leurs intérêts ou de leurs passions. En présence de la grande angoisse financière, franchement exposée par M. de Lasteyrie, l’heure apparaît défavorable aux expériences sociales si elles doivent compromettre la production ou grever le budget.

Le temps n’est pas non plus aux luttes de partis. Où sont les partis en France ? Nos journaux se le demandent à la suite de M. le sénateur Henri de Jouvenel. C’est M. Charles Reibel, ministre des Régions libérées, qui voit « le danger commun de toutes les démocraties dans le trop grand développement des partis extrêmes. » C’est M. Jonnart qui, dans une lettre au Congrès du « parti républicain démocratique et social », cherche la formule d’une collaboration des partis. C’est M. de Jouvenel lui-même qui conclut : « Tout le monde sentie besoin de procéder à la révision des idées. La guerre n’a donné complètement raison à aucun parti. Qui cherche à reprendre dans les cadres d’après-guerre la place d’avant-guerre, ne la retrouve pas. Il ne s’agit pas de revenir à nos vieilles habitudes, mais d’en changer. » L’instinct naturel des peuples va droit au nécessaire et néglige l’accessoire ; il demande avant tout l’autorité créatrice d’ordre, factrice de prospérité. C’est à ce point de vue que le succès du fascisme en Italie marque une date et apporte un enseignement ; il porte une atteinte grave au vieux dogme « libéral » du respect des constitutions et du gouvernement par la majorité parlementaire.

Que l’Europe reste troublée et la paix mal assise, les nouvelles d’Orient nous le rappellent chaque jour. L’armistice de Moudania, qui renferme toutes les garanties que les Turcs peuvent souhaiter pour leurs aspirations nationales, n’a pas suffi à apaiser les esprits excités par la victoire ; ils se demandent si l’Angleterre a renoncé à son hostilité à leur égard, et craignent que la loyauté française ne serve de paravent à une manœuvre qui consisterait à les désarmer pour mieux les tromper. Ce choix de Lausanne comme siège de la Conférence de la paix ne leur dit rien qui vaille ; ils redoutent, sans raison sérieuse, dans ce milieu suisse et protestant, les intrigues grecques ou arméniennes et les menées des pasteurs anglais ou américains ; ils se sentiraient plus en confiance à Paris. Les hommes