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tunisienne ; ils poussaient le Gouvernement à revenir sur ses engagements au sujet du Dodécanèse ; dans cette voie périlleuse, au bout de laquelle on apercevait plusieurs conflits, M. Mussolini s’est déjà arrêté et ses déclarations aux diplomates étrangers ne laissent rien à désirer. On peut espérer que le nouveau Gouvernement sera, au contraire, fidèle aux amitiés de la Grande Guerre et comprendra la nécessité, en face de l’Allemagne et de l’Orient, d’une étroite solidarité entre les anciens Alliés.

Par ses grands aspects généraux, le phénomène fasciste intéresse tous les pays et se rattache à un mouvement européen qui, après les secousses de la Grande Guerre et parmi les souffrances d’une paix insuffisamment réparatrice, se dessine avec plus ou moins d’intensité dans la plupart des Etats. Ce mouvement n’a rien de réactionnaire, au sens étroit que les partis ont attaché à ce mot, mais il est conservateur dans la vraie acception de ce beau mot qui exprime le premier et le plus permanent besoin des peuples, celui de la stabilité et de l’ordre. C’est l’Angleterre qui, effrayée des dangers auxquels l’exposaient les fantaisies démagogiques de M. Lloyd George, se donne un ministère conservateur et se prépare, semble-t-il, à des élections conservatrices. C’est la Belgique, où les élections de 1921 furent un succès pour les adversaires du socialisme. C’est l’Autriche qui, au bord de l’abîme, fait appel à l’autorité bienfaisante de Mgr Scipel. C’est enfin la France qui, en 1919, élit la Chambre du Bloc national et qui, aujourd’hui, manifeste son dépit contre les députés qui, malgré leur bonne volonté, se sont laissé détourner, par les vétérans blanchis sous le harnois des batailles parlementaires, de l’œuvre de réparation nationale pour laquelle ils avaient été désignés. En février 1922, le pays manifesta sa satisfaction de l’arrivée au pouvoir de M. Poincaré dont il attend une politique plus ferme, moins attentive aux combinaisons parlementaires qu’aux intérêts permanents de l’État. Ce n’est pas seulement en Italie qu’on est las des tendances internationales et des coûteuses utopies du socialisme ; le bolchévisme russe a été, sous les yeux des peuples civilisés, l’ilote ivre dont les convulsions sont un avertissement et une leçon. Jamais on n’a été, chez nous, après le magnifique effort d’union nationale qui nous a fait gagner la guerre, plus généralement porté à une politique de justice sociale et de solidarité bienfaisante envers les travailleurs, mais jamais non plus on n’a senti avec plus d’intensité le besoin de travailler et de produire pour retrouver la prospérité et rétablir la stabilité financière ; des grèves comme celle des inscrits