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et au tombeau du soldat inconnu qui dort au Capitole son émouvant sommeil. En vérité, il y a quelque chose de changé en Italie !

Si M. Mussolini s’applique à une œuvre de réconciliation nationale, dans le culte de la victoire et la recherche du bien public, s’il parvient à faire sortir, de l’espèce de bolchévisme réactionnaire qu’a été le fascisme, un Gouvernement d’ordre et de prospérité, il aura bien mérité de son pays. Le pire inconvénient de la violence est qu’elle appelle la violence ; l’Italie n’est délivrée pour toujours ni des revanches révolutionnaires, ni des exigences des fascistes à qui d’aventure la fortune de M. Mussolini n’apparaîtrait pas comme une satisfaction adéquate à leurs appétits. Le fascisme est, à beaucoup d’égards, un phénomène spécifiquement italien, comme le bolchévisme est spécifiquement russe ; c’est une nouvelle forme du vieil esprit guelfe, attaché aux libertés municipales, aux institutions démocratiques, prompt à armer des milices provinciales pour chasser l’autorité étrangère, tandis que le gibelin d’aujourd’hui, c’est le socialiste qui, par ses origines marxistes allemandes, ses affinités juives, ses sympathies moscovites, apparaît comme l’ennemi du peuple italien, acharné à détruire son génie national. De là l’insurrection des classes moyennes des villes et des campagnes contre le communisme qui n’avait trouvé que trop de complaisance dans les divers ministères qui se sont succédé au pouvoir. Les partis qui avaient été hostiles à l’entrée en guerre de l’Italie, qui avaient été « défaitistes, » tenaient le haut du pavé, faisaient la loi, paralysaient la reprise du travail et de la prospérité par des grèves incessantes et des sabotages systématiques. Le temps n’est pas loin où un Gouvernement conseillait aux officiers de se montrer le moins possible en uniforme pour ne pas choquer les susceptibilités communistes. L’instinct de la conservation a soulevé le peuple italien ; plusieurs centaines de milliers d’hommes se sont groupés dans les cadres du fascisme et ont résolu ou d’obliger le Gouvernement à défendre les intérêts nationaux, ou de s’emparer eux-mêmes du Gouvernement pour le bien du pays et la grandeur nationale.

C’est toute l’histoire du fascisme, la raison des abus et des violences qui ont marqué sa période d’ascension, et l’explication de son succès. On a pu craindre, aux premières heures, qu’emporté par son élan et grisé par les souvenirs de l’ancienne Rome dont il aime à se parer, il ne dépassât le but et ne tombât dans les excès d’un nationalisme intransigeant. Au Congrès de Naples, les fascistes revendiquaient la Dalmatie ; ils prétendaient soulever une question