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faire rentrer dans leurs foyers plus de soixante mille hommes accourus à son appel de toute l’Italie. Les éloigner, les désarmer, trouver du pain et du travail à ces hommes qui ont pris le goût de l’aventure et l’habitude de recevoir la sportule, ce n’est pas une mince besogne : M. Mussolini s’y attelle courageusement, ses circulaires aux fonctionnaires prescrivent d’assurer le respect rigoureux de la loi, de réprimer les violences d’où qu’elles viennent ; les démissions de municipalités socialistes imposées par la force ne sont plus acceptées. Mais, dans les provinces, l’ordre ne se rétablit pas en un jour ; un peu partout, les incendies et les assassinats continuent ; des centaines de socialistes cherchent à mettre une frontière entre eux et les représailles fascistes ; les chefs du parti sont houspillés ; on leur peint la tête en rouge, on les force à absorber une purge d’huile de ricin, quand il ne leur arrive pas pire encore. En vérité, le plus grand service que M. Mussolini puisse rendre à l’Italie serait de la débarrasser du fascisme. Ce ne serait pas la première fois, dans l’histoire des révolutions, qu’on verrait l’agitateur de la veille devenir le soutien de l’ordre du lendemain. Il y a, en cet homme de moins de quarante ans, qui vient des rangs du socialisme révolutionnaire, autre chose qu’un aventurier heureux ; il a le sens de l’organisation et le goût de l’autorité ; or, l’organisation et l’autorité, n’est-ce pas précisément ce qui manque le plus aux démocraties modernes ?

On prête aussi à M. Mussolini l’intention d’aboutir à une réconciliation définitive de la nation et du Saint-Siège. Jusqu’ici le fascisme était plutôt « anticlérical ; » ses bandes se sont souvent attaquées à des prêtres, parfois même dans leur église ; l’évêque de Fiesole, l’archevêque de Pise, l’illustre cardinal Maffi, et plusieurs autres prélats ont condamné ces violences. Mais l’Italie est, heureusement pour elle, le pays des accommodements. L’avènement du Gouvernement fasciste a été accueilli par une note très bienveillante de l’Osservatore romano ; l’acte du Roi paraissait, au journal officieux du Vatican, répondre comme un écho au vœu de pacification formulé, quelques jours plus tôt, par le Pape. Dans le programme des fêtes par lesquelles le nouveau Gouvernement a voulu célébrer magnifiquement, le 4 novembre, l’anniversaire de la victoire de Vittorio Veneto, M. Mussolini a tenu à ce que figurât une cérémonie religieuse ; elle s’est accomplie en grande pompe à l’église Sainte-Marie-des-Anges, toute encombrée, en guise d’ornements, de l’attirail guerrier des fascistes ; le roi Victor-Emmanuel et M. Mussolini y assistaient l’un près de l’autre, et c’est de là qu’ils se rendirent à « l’autel de la patrie »