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séances où les grands médiums produisent leurs phénomènes : c’est Dicksonn. Ses retentissants défis n’ont jamais été relevés. Et alors, le public se dit dans son bon sens simpliste : « De deux choses l’une ; ou bien les médiums produisent des phénomènes réels et sont de bonne foi et ils devraient avoir à cœur de solliciter eux-mêmes à cor et à cri la démonstration qui fera, des spécialistes du truquage, les prosélytes les plus convaincus et les plus qualifiés, pour affirmer : c’est vrai, il n’y a pas de truquage ; ou bien les grands médiums craignent que les prestidigitateurs ne démasquent leurs tromperies. » Je sais bien qu’il y a un moyen d’échapper à l’alternative : c’est que, — à ce que disent les convaincus, — les facultés des médiums s’évanouissent dans une atmosphère de scepticisme. L’argument, je l’avoue, n’est pas très convaincant. Car enfin la connaissance de la prestidigitation n’entraîne nullement a priori une incrédulité radicale. Et puis, si seuls peuvent voir les phénomènes, ceux qui d’avance y croient, on s’interdit de ne convaincre jamais que ceux qui sont déjà convaincus, et on n’enfoncera que des portes ouvertes.

Dans son magistral Traité de métapsychique, le professeur Richet a longuement insisté sur la nécessité d’éviter la fraude, particulièrement en matière d’ectoplasme. « Il faut toujours, écrit-il, en expérimentation métapsychique, songer à la fraude... les savants qui expérimentent avec des médiums sont exposés sans cesse à être ignoblement trahis. De là une tâche très pénible qui exige une prudente et vigilante attention. » Et il cite à l’appui de nombreux et impressionnants exemples, des fraudes multiples qui ont été constatées en ce domaine... « Il s’agit donc de savoir, conclut-il, si, connaissant les fraudes des médiums, nous pouvons avoir quelque confiance dans les récits plus ou moins mirifiques qui nous sont donnés. »

Et il résume magistralement les conclusions qui lui paraissent nécessaires. « Elles s’appliqueront aussi bien aux médiums fraudeurs qu’aux médiums de bonne foi (s’il y en a qui peuvent l’être constamment) [1]. »

Ces conditions relatives à la nature des précautions à prendre, au local employé, aux assistants, à l’interprétation des résultats obtenus,

  1. Cette parenthèse du professeur Richet montre qu’il doute qu’il existe aucun vrai médium qui, à l’occasion, ne soit capable d’employer la fraude. C’est en effet ce qui ressort, notamment de notre récente étude parue ici même sur « les grands médiums à ectoplasme. » Il n’est en effet aucun de ces grands médiums qui, lorsqu’il a été soumis à une expérimentation rigoureuse et prolongée, n’ait été, lorsqu’il produisait néanmoins des phénomènes, — pris en flagrant délit de fraude... à moins que le contrôle prolongé et resserré n’amenât purement et simplement la suppression de tout phénomène. Les convaincus expliquent cela en disant que le médium, énervé de l’attente des assistants et voulant à toute force produire le phénomène, est irrésistiblement conduit, lorsque son pouvoir médiumnique lui fait momentanément défaut, à employer la fraude. Il me semble qu’il serait au contraire tout naturel, que, pour éviter l’accusation d’imposture, un médium vrai, de bonne foi et sérieux, — s’il en existe, — se gardât bien de substituer jamais la supercherie à un pouvoir qu’il saurait réel et dont il serait assuré qu’il n’est qu’incidemment défaillant.