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le marché aux oiseaux. Il y en a des quantités, verdiers, pinsons, mésanges, et de fluets oiseaux gris qui ont sur la gorge une pincée de bleu ou de rouge. Chacun est perché sur un bâtonnet laqué, et, attaché par une patte, il a les ailes proprement liées d’un bout de fil. Parfois, il tombe, gigotte au bout de son lien, jusqu’à ce que le vendeur distrait s’en aperçoive et le remette sur son perchoir. Des hommes tiennent sur le poing des oiseaux de proie, faucons ou busards, qu’on emploie pour la chasse. Les uns, chaperonnés et que cet aveuglement consterne, gardent une pose affaissée. D’autres, la tête libre, restent au contraire fiers et droits et leur petit œil sans pitié brille comme une escarboucle. Des pigeons, pressés dans une cage, font un amas blanc et roux : à côté, l’on vend les sifflets qu’ils emporteront dans leur vol. Plus loin, des perroquets mènent un vacarme qui répond à l’éclat de leurs couleurs. A travers tout cela, se promène le vieux peuple enfant. Certains, avec une grave futilité, marchandent un oiselet, penchent pour l’examiner leur visage terne ; d’autres s’en vont avec une cage, qu’ils ont recouverte d’une housse, pour que le petit habitant n’en fut pas trop effaré. Un enfant a fait emplette d’une souris blanche. Un vieillard emporte soigneusement, dans un bocal, un poisson qu’il vient d’acheter, et comme le vase de verre disparait à peu de distance, on ne voit, entre les passants, que ces mains arrondies entre lesquelles le poisson rouge a l’air suspendu. Rangés en espalier sur les deux bords de la foule, des mendiants exposent leurs plaies, comme des fleurs vives sur des branches sèches.

Je vais d’un côté où s’élèvent des cris affreux. Ils sont poussés par des truies entravées, que des hommes apportent d’une cour voisine et jettent rudement à terre. Des badauds regardent avec une morne curiosité. Mais qu’un des animaux fasse mine de se dégager, tous se sauvent, sans que, dans ce peuple où le sentiment du ridicule est si répandu, personne songe à rire des peureux. Cette pusillanimité s’explique. C’est le fait de gens déshabitués de tout exercice, de sorte qu’ils n’ont plus aucune confiance dans leur corps, et s’enfuient à la moindre alarme.

Je reviens vers la foire. Des vessies flottent dans une ruelle comme une grappe de ballons roses. A l’entrée des cours du temple, de grands paniers sont remplis de ces baies vermeilles où la richesse de l’automne se concentre. Elles sont enfilées en gros colliers qu’on donne aux enfants. Je passe la porte et je