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rapetissés. On pense aux tableaux merveilleux, tout en mosaïques de plumes, que composaient les Aztèques, et l’on se demande si les deux arts n’ont pas la même origine. Mais celui-ci déchoit peu à peu : on ne donne aux artisans que des modèles de plus en plus pauvres, leurs ouvrages perdent leur style, car le style vient de l’époque, et quelle inspiration, quel secours recevraient-ils de la nôtre, ces derniers ouvriers de l’azur ?

La lumière est si légère que je me promène encore pour mon plaisir. Dans une ruelle, un cortège nuptial attend. Les drôles loués pour la circonstance causent avec le voisinage. Ils ont appuyé au mur les lanternes de verre, aux hampes de bois rouge, qui portent sur leurs quatre faces des génies et des fées, dessinés par le pinceau d’un seul trait et simplifiés comme des caractères. La rue est exactement partagée entre le soleil et l’ombre. Dans la tranche de lumière éclate la chaise rouge de la mariée avec ses broderies pleines de phénix touffus, de grosses pivoines, de grappes où des écureuils se faufilent. C’est là que la jeune fille, elle-même inondée de satin rouge, prendra place tout à l’heure pour être emportée, invisible sous le rideau rabattu, vers sa nouvelle maison. Une chaise verte, brodée aussi, mais bien plus discrète, attend modestement dans la partie d’ombre. Un des Chinois qui, par aventure, sait quelques mots de français, me dit qu’il s’agit du mariage de sa sœur. Son visage est aussi vacant, aussi dégarni de toute expression que dans un jour ordinaire. Je le félicite, et comme nous ne pouvons nous faire entendre qu’en usant de très peu de mots, je lui dis : bonheur.

Il répète : bonheur, et garde son air insensible, mais, derrière lui, la chaise rouge flamboie au soleil. Ici, même dans les fêtes, la plupart des visages ne s’éclairent point : ce sont les choses qui sont chargées d’annoncer la joie. Les seules occasions où les couleurs vives éclatent encore sont fournies par la vie sociale, et, sur l’immense fond sourd de la Chine, on ne voit rire au soleil que la pompe des hyménées et celle des funérailles.


UNE FOIRE DANS UN TEMPLE

Cet après-midi, je suis retourné à l’une de ces foires périodiques qui occupent les cours d’un vieux temple, et qui débordent alentour. J’arrive d’abord dans une avenue où se tient