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pour riposter, mais alors, et seulement alors, vous vous défendrez. »

Avant la fin de l’exercice, la Place fit demander un piquet de 200 hommes et prévenir les officiers de ne pas s’écarter de leurs logements. L’orage révolutionnaire commençait à gronder. Tout annonçait qu’il éclaterait dans la soirée. Les officiers étaient pensifs ; on osait à peine se communiquer les inquiétudes qu’on éprouvait, tant la gravité des événements causait d’appréhensions. Un très petit nombre approuvait las ordonnances, la grande majorité les condamnait, et pourtant dans quelques heures nous devions prendre les armes pour les soutenir, les faire trouver bonnes et légales. Cruelle et affligeante position !

Un peu avant cinq heures du soir, l’ordre fut donné de se trouver à six heures, le 1er bataillon, commandant Barthélémy, et l’état-major, sur le Pont-Neuf, en face de la rue de la Monnaie ; le 3e, commandant Maillart, successeur du chef de bataillon Garcias, sur le quai aux Fleurs, gardant le Pont-au-Change, etc. ; le 2e (le mien), sur la place du Panthéon, avec un fort détachement sur la place de l’Ecole-de-Médecine. Je devais, avec une partie de mon bataillon (on m’avait pris deux compagnies pour renforcer les deux autres), maintenir l’ordre dans ce quartier populeux (quartiers Saint-Jacques et Saint-Marceau), contenir les Ecoles polytechnique, de Droit et de Médecine, garder la prison militaire de Montaigne, de la Dette, Sainte-Pélagie, et protéger l’hôpital militaire du Val-de-Grâce. Mes instructions portaient que je devais, par de furies et fréquentes patrouilles, conserver mes communications avec tous les établissements dont je viens de parler, avec la caserne des gendarmes de la rue de Tournon, et avec les deux bataillons qui étaient sur la Seine.

C’était beaucoup plus que je n’aurais pu faire, même avec dix fois plus de monde ; aussi, après plusieurs courses dans l’intérieur de l’espace que je gardais, fus-je contraint de me resserrer successivement et de borner ma défense aux alentours de la place du Panthéon, pour ne pas compromettre inutilement la vie de mes hommes en cas d’attaque imprévue et de surprise préparée sous des prétextes de bon accord. Soixante cartouches furent données à chaque soldat. En les distribuant, comme en faisant partir des patrouilles, je recommandai avec soin et