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Napoléon par un pape, entouré de l’élite de la nation française d’alors. Vingt-six années s’étaient écoulées depuis cette grande époque impériale. Le maître du monde, l’homme du destin, le vainqueur des rois avait été détrôné deux fois en moins de dix ans de règne, et était mort dans l’exil, sur un affreux rocher au milieu de l’Océan. Qui m’aurait dit que ce vénérable souverain que j’avais sous les yeux, prosterné à dix pas de moi, aux pieds des autels, enivré d’hommages et entouré d’un profond respect, qui paraissait si puissant et si fort, serait, à vingt jours de là chassé de son palais, et obligé pour la troisième fois de quitter la France qu’une de ses armées venait d’illustrer, et de reprendre le chemin de la terre d’exil ! O vicissitudes humaines, combien vos coups sont imprévus et frappent de haut !

Les prières terminées, le Roi fut reconduit avec le même cérémonial, et la famille d’Orléans, l’ayant accompagné jusqu’à la porte, sortit par une autre issue pour monter en voiture. Quand le grand maître des cérémonies, M. le marquis de Dreux-Brézé, que je connaissais un peu, me dit, en me touchant l’épaule avec son bâton d’ébène : « Mon cher commandant, faites place à M. le Duc d’Orléans, » qu’il reconduisait jusqu’à ses voitures, il ne pensait pas plus que moi que c’était pour son futur souverain qu’il réclamait le passage libre.

21 juillet. — Je vais à l’Observatoire royal pour assister à l’ouverture du cours d’astronomie fait par M. Arago. Ce cours public destiné aux gens du monde, promettait d’offrir un grand intérêt. Je me proposais de suivre très exactement les leçons du grand astronome, afin de satisfaire ainsi un goût très prononcé pour cette difficile et sublime science, mais les événements politiques qui survinrent quelques jours après, arrêtèrent dès son début les bonnes intentions du professeur et celles d’un de ses plus zélés auditeurs.

25 juillet. — Tous les officiers supérieurs du régiment se rendirent à Saint-Cloud pour voir le Dauphin à qui le colonel avait une grâce à demander pour la veuve d’un capitaine du régiment : on lui refusait une pension parce qu’elle ne pouvait pas justifier qu’elle était légitimement mariée, le mariage ayant été fait en pays étranger. Notre présentation terminée, nous nous rendîmes dans la galerie d’Apollon, pour attendre le Roi et entendre la messe. Resté dans la galerie, je causai avec plusieurs généraux et officiers de ma connaissance.