d’hommes de tous les rangs, mais surtout de jeunes gens et d’ouvriers, l’agitation tumultueuse, l’inquiétude qu’on voyait sur beaucoup de figures et surtout chez les marchands des galeries qui fermaient en hâte leur boutique, tous ces symptômes d’émeutes et de troubles me déterminèrent à quitter une enceinte embrasée de tous les feux de la discorde. Je sortis un peu après neuf heures, comme Charles X y arrivait en grand appareil, avec assez de difficulté, mais sans accident.
Quand je sus le lendemain qu’on s’y était rué, qu’on y avait brûlé toutes les chaises du jardin, détruit les clôtures des parterres, brisé les fleurs, en criant : « A bas Polignac ! A bas les ministres ! Vive le Duc d’Orléans ! » je me félicitai bien sincèrement de ne m’être pas trouvé dans cette orageuse bagarre.
11 juillet. — Un Te Deum solennel fut chanté à Notre-Dame en présence du Roi, de la Cour et de tous les grands dignitaires de la couronne et du royaume, en action de grâces pour la prise d’Alger, qui avait eu lieu le 5, et dont la nouvelle avait été apprise à Paris la veille dans la journée. N’étant pas de service pour border la haie sur le passage de Sa Majesté, je me rendis à la métropole. En moins de vingt-quatre heures, l’église avait été magnifiquement tendue. La cérémonie fut majestueuse, la musique et les chants pleins de suavité. Il y avait beaucoup de monde, et l’on n’entrait que par billet ou en uniforme. Eh bien ! malgré l’importance du succès, malgré les lauriers que venait de remporter notre belle et brave armée d’Afrique, il n’y eut point de cris d’allégresse. Sur le passage du Roi, dans cette foule du parvis de Notre-Dame, dans les rues traversées par cette éclatante escorte,, point de preuves d’enthousiasme ni de sympathie. Le Roi fut reçu à la porte de l’église par l’archevêque qui prononça un discours, amèrement censuré le lendemain par toute la presse libérale. Ce discours fut cause du sac de l’archevêché, moins de trois semaines après. Charles X, placé sous un dais, fut conduit à sa place par tout le Chapitre, ayant autour de lui les princes de la maison d’Orléans, les ministres, les maréchaux, et ses grands officiers.
Pendant qu’on chantait l’hymne par laquelle on remerciait le ciel du triomphe qu’on venait de remporter en Algérie, je me rappelai, comme un glorieux souvenir pour moi, que j’avais vu, dans cette même enceinte sacrée, une cérémonie encore plus grandiose, plus sublime, le couronnement de l’empereur