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permet à Barrès de voir son fils qui « commence à jaser et à marcher. » C’est à peine si la grâce de l’enfant suffit à apporter quelque trêve à ses inquiétudes grandissantes. Il revient à Paris en juillet, après une absence de vingt jours :

8 août 1819. — Murmures, inquiétudes dans Paris sur l’annonce qu’un changement de ministère aurait lieu dans la journée, et que le prince de Polignac serait nommé président du Conseil. Cette nouvelle d’un ministère congréganiste et contre-révolutionnaire frappait de stupeur tous les amis de nos instituions constitutionnelles.

Ayant à leur tête le comte Coutard, commandant la 1re division, tous les officiers de la garnison allèrent faire une visite officielle à M. le ministre de la Guerre, le lieutenant-général comte de Bourmont. Je trouvai le ministre embarrassé, peut-être honteux de se voir le chef d’une armée française, lui qui avait abandonné, quelques jours avant la désastreuse bataille de Waterloo, l’armée qui fut vaincue dans cette funeste journée, malheur et deuil de la France. Le poids de cette trahison devait lui peser sur le cœur comme un remords, si, comme il lui dit dans les salons du ministère, des généraux refusèrent do prendre la main qu’il présentait.

15 août. — Je prends le commandement de deux cent cinquante hommes d’élite du régiment pour aller border la haie sur une partie du quai de la Cité jusqu’à la porte de la Métropole à l’occasion de la procession du Vœu de Louis XIII. A quatre heures, le Roi, le Dauphin, la Dauphine et la cour posèrent a pied dans nos rangs escortés par les gardes du corps à pied du Roi (cent Suisses). Le cortège était beau, mais simple. Aucuns cris d’allégresse et d’hommages ne se firent entendre sur le passage du Roi. Les cœurs étaient glacés, les visages froids et mornes, depuis l’avènement du ministère Polignac.


UNE SÉANCE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

25 août. — Séance publique et solennelle de l’Académie française. Avant de m’y rendre, je fus à Saint-Germain l’Auxerrois entendre le panégyrique de saint Louis prononcé, devant les membres de l’Académie, suivant l’ancien usage. Peu d’immortels et guère plus d’auditeurs. Ni l’éloge, ni l’orateur ne tirent d’effet.

A une heure, j’entrai dans la salle des séances publiques de