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SOUVENIRS
D’UN OFFICIER
DE LA GRANDE ARMÉE
PUBLIÉS PAR MAURICE BARRÉS, SON PETIT-FILS [1]

III [2]
LA RESTAURATION. — LES TROIS GLORIEUSES.


LA TERREUR BLANCHE

Dès son arrivée à Bordeaux « dont les opinions royalistes étaient si exaltées, si Ultra-bourbonniennes qu’elles en étaient effrayantes, » Barrès reçoit d’une jeune femme le conseil de ne rien garder de séditieux dans ses malles, de ne pas aller au café où il risquerait d’être insulté. Au théâtre où l’on chante « Vive Henri IV ! » pendant l’entracte, il faut « se lever et rester debout en agitant son mouchoir blanc, sous peine d’être jeté des loges dans le parterre. » A Argentat, non loin de Bergerac, cale fureur royaliste lui vaut d’être pris pour un général proscrit et arrêté aux cris de « A bat le brigand de la Loire ! » Relâché aussitôt par le maire, il retourne à Blesle, dans sa famille, où une lettre du maréchal Romeuf lui apprend qu’il est nommé commandant provisoire de la légion du département qui s’organise à Brioude. Là il reçoit l’ordre de se rendre à Craponne, dont on prétend que les environs cachent des généraux proscrits. Sa mission « est de visiter tous les villages, battre les bois, fouiller les montagnes et se mettre en rapport avec les colonnes mobiles. » Il s’en acquitte, dit-il lui-même, « par devoir, mais sans conviction,

  1. Copyright by Maurice Barrès 1922
  2. Voyez la Revue des 1er et 15 octobre.