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la province : » de la bataille de la milice paroissiale avec la troupe carnavalesque et brutale dévalée sur la ville ; de tous ces épisodes dramatiques, l’enfant un peu plus avancé en âge a dû, tout de même, entendre le récit, d’autant mieux que son père y avait joué le plus honorable rôle, que la punition en fut sévère, que Dijon même avait été rendue responsable et rudement punie, par la Royauté irritée, de cette sorte de jacquerie anti-française

En 1631, alerte d’un autre genre. Alors, c’est le frère du Roi, révolté, qui veut soulever la Bourgogne ; et, en mars 1631, les Dijonnais voient, comme aux temps du Moyen âge, galoper vers leurs portes avec quelques milliers de chevaux, Gaston d’Orléans, qui les somme de le ravitailler. Le gouverneur, duc de Bellegarde, pactisait avec lui. La tentative échoue, mais en 1632, revenant du Midi, le royal aventurier se venge. Il incendie en passant tout un faubourg de Dijon ; les canons de la ville font feu sur lui. Il est impossible que Bossuet n’ait pas eu, assez tôt après, connaissance de ces incidents émouvants, étant donné que tant de ses parents, proches ou éloignés, occupaient des charges de la province ou de la ville.

Puis, en cette même année 1632, c’est une première menace de la guerre étrangère. Les coureurs d’Ernest de Mansfeld s’approchaient ; le gouverneur de la Duché fait une levée hâtive de cavaliers gentilshommes et de bourgeois fantassins. Quatre ans ne s’étaient pas écoulés qu’en 1636. l’attaque des Impériaux se renouvelle. Avec, dit-on, pas moins de cinquante mille hommes, précédés de mercenaires croates, Gallas, bousculant La Valette, secondé par Lamboy, Grana, Saint-Martin, Mercy et le duc de Lorraine, envahit la Bourgogne dégarnie. Plusieurs petites villes sont mises à feu et à sang : Chausson, Verdun, Pontailler-sur-Saône, Mirebeau. Dans le plat pays, plusieurs centaines de communes sont dévastées. De la Tour du Logis du Roi à Dijon, l’on voyait vingt lieues de pays enflammés, et bientôt les ennemis sous les murs. « Avec pelles et pioches, les habitants se portent aux remparts, » encouragés par la proximité des Suédois de Bernard de Saxe-Weimar et des troupes de La Valette qui se reforment. Alors, c’est sur Saint-Jean de Losne que la ruée dévia. On sait comment, contre toute attente, dans ce gros bourg fortifié, treize cents hommes armés, dont à peine trois cents vrais soldats, repoussèrent l’assaut énorme.