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énergie, il y a, pour employer encore un mot, qui, celui-là fut bien cher à Bossuet, une « suite. »

Bossuet a derrière lui plus qu’un passé social assez long déjà : il a une poussée. Vraiment, il ne se peut que sur beaucoup de points cette pression pesante des morts, il ne l’ait, bon gré mal gré, profondément subie.

Toutefois, « sur de certains points » seulement. Et en ceci sans aucun doute, il faut revenir aux termes circonspects de Sainte-Beuve, et, contre une exagération déterministe de l’hérédité, maintenir les possibilités du renouvellement et de l’originalité humaine. On sait de reste combien, déjà le « moment » et le « milieu » contrarient et modifient la « race. » Mais c’est avec « la nature, » aussi, qu’il faut compter, et avec « la volonté : » la nature, qui en des êtres nouveaux, par suite de réactions indépendantes de ce qui fut, peut produire, quand il lui plaît, à un moment imprévisible, ce qui n’a pas encore été ; la volonté qui, en des êtres plus clairs de conscience, plus vigoureux, devient d’autant plus capable de contrôler ce qu’elle reçoit, de réagir contre des servitudes qu’elle distingue et qu’elle répudie, et de se donner des puissances inédites. Les esprits éminents sont des résultantes, d’accord, mais des résultantes libérées, transformées et accrues.

Et de ces transformations comme de ces apports nouveaux, je ne sais si chez Bossuet on ne peut pas entrevoir comme un indice dans le peu, dans le très petit peu que nous savons de son enfance.

En Bourgogne, à Dijon, de 1627 à 1637, des faits d’histoire assez notables, nous l’avons vu déjà se produisirent. Sans doute, en 1630 Jacques Bénigne, n’ayant que deux ans et demi, n’a pas pu voir cette émeute, soulèvement, peut-être favorisé par les mécontentements bourgeois, de la plèbe urbaine et des rudes paysans des coteaux voisins de Dijon. Mais de cette descente, sur la capitale de la Bourgogne, des vignerons d’alentour ; de cette armée subitement formée de « tumultuants » menés par un « goujat » d’armée, faisant pendant deux jours la loi à la vieille cité parlementaire ; du sac des hôtels de plusieurs magistrats, dont l’un était un cousin par alliance de Bossuet (le président Le Goux de la Berchère ) ; de cet outrage au Roi de France, dont le portrait fut brûlé aux cris de : « Vive l’Empereur ! » « comme si celui-ci eût été le maître légitime de