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prix d’un million et demi de livres environ : la charge de secrétaire ordinaire au Conseil d’État. Et non content de conserver en sus les offices provinciaux qui rapportent le plus, greffe du Comté d’Auxonne, greffé du Bailliage d’Auxonne, greffe de la Chambre des Comptes de Dijon, présidence de la Cour des Aides de Cahors, il se fait, sous des noms d’emprunt, sous-traitant, associé de traitant, fermier des gabelles du Lyonnais et du Languedoc ; pis encore : prêteur d’argent des nobles dans la gêne, acquéreur, au mieux, de vingt terres seigneuriales tout autour de Paris. Ce François Bossuet est l’un des meilleurs types historiques du maximum d’enrichissement possible aux parvenus de l’ancien Régime [1].

Mais c’est alors aussi que la famille Bossuet touche, sur des cimes plus pures, le faite de la considération où pouvaient atteindre des hommes nouveaux. Lorsque l’heureux Antoine unit en 1579 à « damoiselle Claudine Bretaigne, » son troisième fils Jacques, celui qui sera l’aïeul de Jacques Bénigne, par là il introduit dans le sang des Bossuet un double affluent de sang parlementaire et de noblesse judiciaire. Car Claudine Bretaigne n’était pas seulement la fille de l’éminent magistrat et politique que nous avons rencontré plus haut ; par sa mère aussi, Denise Barjot, sœur de deux membres de la Chambre des Comptes, elle tenait à des lignées de magistrats et d’administrateurs. Par cette alliance, des liens se créaient qui donnèrent à Jacques Bénigne, pour grands-oncles et petits cousins, Jules Bretaigne, seigneur de Blancey, conseiller à la cour de Dijon ; Antoine Bretaigne, baron de Loisy, d’abord, lui aussi, conseiller à cette cour, puis premier président au Parlement de Metz, puis premier président à celui de Bourgogne ; Claude Bretaigne, deuxième du nom, conseiller au Parlement de Dijon, et, ensuite, successeur de son père à Metz et conseiller d’État ; Isaac Fournier, conseiller au Parlement de Bourgogne ; Philibert Lenet, président à la Chambre des Comptes de Dijon. Personnages considérables à peu près tous, surtout à cette époque, où, en province comme à Paris, les Parlements, tout en tâchant de maintenir, devant la Royauté grandissante, leur prestige décadent, ne marchandaient pas au pouvoir leur dévouement. Cet Antoine Bretaigne de Loisy était membre en 1632 de la commission

  1. La scandaleuse fortune de François Bossuet s’écroula de 1658 à 1662 ; et « Bossuet le Riche » finit, en 1675, dans la misère et un peu dans la honte.