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vieille demeure familiale de la grand place dont ils étaient plusieurs co-propriétaires. Seurre a beau être, non seulement une petite cité fort vivante, qui aime à affirmer son importance et « la tête chaude » de ses habitants, mais aussi, sur sa colline qu’entourent « des prairies grandes et belles, » « un séjour gracieux, » dit le vieux géographe Expilly, où il est facile de « mener une vie également tranquille et délicieuse. » Ni « ses bois pleins de gibier, ses étangs et viviers pleins de poissons, ses jardins féconds en toute sorte de fruits, » ne retiennent ces paysans parvenus ; ni la maison de l’Estaple avec sa large façade de briques rouges et noires, ses hautes murailles, sa chapelle funéraire, ses sculptures naïves, où, entre les colonnettes, soutenues par des escargots, saint Martin se voyait coupant en deux son manteau [1]. La capitale de la province, avec ses profits et son éclat, les attire.

Antoine y a eu de l’avancement à la Chambre des Comptes. Promu auditeur ordinaire, il en achète en 1553 l’office pour 1 500 livres tournois, achetant du même coup définitivement la noblesse, la noblesse héréditaire de robe. Il modifie ses armoiries, meuble le champ d’azur de trois roues d’or au lieu d’une. Il a épousé une fille de Nicolas Richard, « seigneur de Ruffey-lès-Beaune. » Il pousse vivement ses enfants dans la carrière judiciaire et financière où il a si bien réussi, où ils réussiront mieux encore. Car voici l’apogée de la famille en ascension. Tandis que cet Antoine marie une de ses filles au « garde des sceaux du bailliage et chancellerie de Dijon, » plus tard « trésorier provincial de l’Extraordinaire des guerres, » Bénigne Soyron, il fait épouser Marguerite Margaret, fille du « grenetier ancien au grenier à sel d’Auxonne et Mirabeau, » à son fils André, qui acquerra ainsi la charge lucrative de son beau-père.

Et alors se constitue, dans la branche des Bossuet qui provigne à Auxonne, un capital qui va servir de base, entre les mains de l’un des fils d’André, François, entre 1630 et 1658, à des spéculations et à des gains féeriques. Ce cousin de Jacques Bénigne Bossuet, qui a vingt-sept ans de plus que lui, possède déjà en 1627 toutes les bonnes places de son père André en Bourgogne. Mais, en 1630, c’est une des plus hautes charges de l’administration centrale monarchique qu’il ose acheter, au

  1. Le P. Chérut, Autour de Bossuet, p. 16 ; Guillemot, Histoire de Seurre.