Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morale de Bossuet jeune ; premièrement, la cause probable de ces malheurs d’Antoine : l’activité lutteuse qu’il déploie de 1650 à 1653 contre la Fronde des Princes entamant la Bourgogne, les responsabilités périlleuses qu’il continue de prendre ensuite dans la province divisée, les mécontentements qu’il soulève partout jusqu’en cette ville de Seurre d’où sa famille est sortie, mais qui est d’un fort mauvais esprit. Puis, et c’est ici ce qui davantage nous intéresse, notons que de tous les frères de Bossuet, ce n’est pas Claude le chanoine pacifique, ni Gilles François l’inexistant fiscal, avec lesquels Bossuet en formation parait avoir été le plus intime, mais celui précisément dont nous parlons : Antoine l’aventureux.

Les circonstances y contribuèrent. A dater de 1638, le groupe familial dijonnais, dont le conseiller Bénigne était le chef, se dissout. Il part pour Toul, emmenant sa femme, toutes ses filles et deux des garçons, Claude et Gilles. Il laisse Antoine et Jacques Bénigne à Dijon, où-ils ont, sans doute, déjà commencé leurs études comme externes au collège des Jésuites, dit collège des Godrans. Et alors, pendant près de cinq ans, Antoine et Jacques Bénigne sont unis non seulement par les études, mais par la cohabitation chez le parent qui les loge.

Ce parent, cet oncle, qui se substitue au père absent, le supplée, et même, si l’on peut en juger sans témérité, le remplace heureusement, c’est Claude Bossuet, sieur d’Aiserey. Et celui-là aussi, autant que nous sommes instruits de lui, est une « figure. » Non pas, assurément, aussi grande que son père Jacques, aussi éminente, dans l’action comme dans la pensée ; mais il est laborieux et droit, « ferme et judicieux. » L’historien contemporain qui connaît le mieux « les Bossuet, » estime qu’il « synthétise les solides qualités de la race [1]. » Il n’a pas les agissements ambitieux de son frère Bénigne et ses allées et venues. Il se fixe. Il se contente, pendant trente ans, de sa charge de conseiller au Parlement, commissaire aux Requêtes. Il s’en retire, en 1642, avec honneur, salué des regrets solennels de la Cour, qui lui rendit hommage « toutes chambres assemblées : » c’était six mois avant le départ de Jacques Bénigne et d’Antoine, ses neveux, pour Paris. Mais la carrière civique du magistrat alors sexagénaire n’était pas

  1. L’abbé J. Thomas.