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général des finances. L’un des deux aînés survivants, Claude, n’émerge guère plus des ténèbres [1]. Né en 1620, on le met, dès 1630, dans l’Eglise ; on lui procure à Dijon, nous l’avons vu, une prébende canoniale qu’il récupéra par échange, grâce à la même prévoyance paternelle, à Toul. Jacques Bénigne n’a guère pu le fréquenter un peu, qu’une fois à Metz, redevenus voisins. Sur l’autre aîné, Antoine, seuls les faits mêmes de sa vie nous renseignent, mais ils suffisent. Venu avec Jacques Bénigne à Paris, en 1642, il y fait son droit. Reçu avocat, il y débute quelque temps, comme avait fait son père, mais, comme lui aussi, il regagne vite sa ville où son oncle Claude vient de devenir maire. De cette grandeur familiale il sait user. D’abord avocat au Conseil privé de la Chambre de Ville, il s’attachera tour à tour aux deux gouverneurs successifs de la Bourgogne, le duc de Vendôme et le duc d’Epernon. Nommé « conseil » des Etats, il a en main, de ce chef, « la direction des affaires de la province. » Il montera encore. A vingt-huit ans à peine, il est déjà en mesure d’acheter, pour 65 729 livres, la plus enviée des grosses charges : celle de « trésorier receveur général des Etats de Bourgogne. » C’est alors le pinacle. Un document du temps l’y peint au vif : « Capable de tous les grands emplois et négociations les plus importantes, la taille très belle, la mine fort noble, l’air et l’entretien infiniment agréables, très propre à toutes les choses galantes [2], » vous l’apercevez, ce Fouquet de province. Mais alors aussi vient la rançon : employés infidèles, scandales, opinion soulevée, procès, disgrâce enfin, dont il se tirera du reste avec vaillance, et à son honneur... De cette existence agitée, qui se retrouve, à plusieurs reprises, en contact avec celle de Bossuet, deux choses seulement sont à retenir au sujet de l’ambiance

  1. A ce silence Floquet (I, p. 515) appliquant à un frère de Bossuet le même regrettable procédé qu’à Bossuet lui-même, supplée ainsi : « Le conseiller Bénigne, privé de la personne de son fils, le grand archidiacre de Metz, avait du moins la douceur, à Toul, de voir dans la cathédrale, assis, au chœur, parmi les chanoines l’aîné de tous ses enfants. Claude Bossuet... sans gloire parmi les hommes, mais bon prêtre, tout donne lieu de le croire. Nés de parents aimant et craignant Dieu, tous les enfants de Bénigne Bossuet et de Marguerite Mochet se pouvaient dire, eux aussi : « Nous sommes la race des Saints. » (Tobie, II, 18.) Cf. Jovy, Études et recherches, p. 176 187.
  2. Texte d’un mémoire de la bibliothèque de Troyes, composé par un magistrat du Parlement de Dijon avant 1673, cité par J. Durandeau, le Génie de Bossuet expliqué par ses ancêtres, Dijon, 1908. Voir, pour les autres détails, l’abbé Thomas.