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Moins obscurs sont les hommes de la famille. D’abord se dresse, très net vraiment, Jacques Bossuet, « l’aïeul » paternel.

Il a, quand Bossuet nait, soixante-dix ans environ ; il est son parrain. Il vivra dix ans encore, presque jusqu’au départ de son fils Bénigne pour la Lorraine. Sa carrière, terminée en 1627, a été l’une de ces belles carrières, que notre histoire nationale mieux comprise devrait enregistrer au même titre que celle des acteurs de la scène parisienne. Lui-même il fut en Bourgogne un de ces grands citoyens à qui la vie provinciale d’alors donnait lieu de manifester tout leur mérite sur les lieux mêmes où ils étaient nés. Il avait étudié à Valence, en 1573, sous Cujas. Devenu, en 1577, conseiller à la Cour et commissaire aux Requêtes du Palais de Dijon, puis conseiller au Parlement, il entre en 1579 par mariage dans la famille des Bretaigne de Saulieu. Famille déjà célèbre. L’un de ses membres, Jacques Bretaigne, avocat au Parlement de Bourgogne, lieutenant au bailliage, puis maire d’Autun, puis député aux États de 1560, y plaida, à la veille des guerres de religion, dans une magnifique harangue, la cause de la tolérance et de la liberté. — Mais dès 1576, en présence de l’organisation politique protestante, d’une part, et de la Ligue de l’autre, c’était, pour les gens honnêtes, patriotes et dévots, la nécessité, combien délicate, de discerner leur vrai devoir. Jacques Bossuet est un de ceux qui tout de suite pensent avec les gens de Chalon, de Beaune et d’Auxonne « qu’il est impossible aux sujets de se liguer sans altérer la supériorité que le Roi a sur eux [1]. » Et lorsqu’en 1588, le Parlement de Bourgogne, la Chambre de Ville et la population de Dijon adhèrent à la coalition catholique, il prend parti pour le Bourbon huguenot ; d’accord, en cela, avec les magistrats dijonnais Frémyot, Vaugrenant, Millotet, Saumaise, Bouhier, Odebert, et avec le futur « allié » de la famille Bossuet, Claude Mochet. Cette petite bande de fidèles à la loi dynastique du royaume sort de Dijon, où dominent les partisans du duc de Mayenne et de « Charles X, roy de France, » où le cardinal Cajetan, en personne, est venu prêcher la Sainte Ligue, — où le premier président Denis Brulart lance l’anathème parlementaire contre ceux qui tiennent pour Henri de Navarre. Ils se retirent dans le Morvan : ils constituent d’abord à Flavigny, puis à Semur, un Parlement

  1. Kleinclausz, Histoire de Bourgogne, 230, 239 et 244.