Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas d’imitateurs, durant un siècle. Panégyristes ecclésiastiques ou académiciens, amis ou collègues de Bossuet se contentèrent tous de piller le Mémoire sans se soucier d’y rien ajouter. Puis vinrent, au XVIIIe siècle, la recrudescence des querelles ecclésiastiques, le peu de goût du public pour l’histoire, le dédain, proportionnel au progrès de la philosophie, des grands hommes de la « superstition. » Le plus caractéristique et peut-être le plus complet représentant de l’époque de Louis XIV dut attendre jusqu’en 1761 un historien. Et M. de Burigny, — brave homme que les injustices des philosophes pour Bossuet révoltaient, mais qu’effrayait le Roi Voltaire, — n’osa qu’un tout petit livre.

Ce fut cent ans juste après la mort de Bossuet qu’une histoire parut, digne du sujet. Seulement le cardinal de Bausset ne sut pas profiter des documents, depuis disparus, qu’il avait en main. Son admiration même de Bossuet le gênait, et puis aussi son désir de peindre l’image sans ombres d’un génie sans taches et sans lacunes, d’un grand homme qui, comme disait au XVIIIe siècle le P. de Neuville, avait dû naître « tout entier. » Plus de cinquante ans encore se passèrent avant qu’une érudition plus soucieuse des faits s’emparât de l’évêque de Meaux. Un magistrat plutôt gallican, Amable Floquet, y dépensa une infatigable patience, une incomparable ingéniosité fureteuse. Sur les quarante premières années de Bossuet seulement, il meubla trois volumes de détails innombrables, pas tous très sûrs, car lui aussi il était lié par le respect et tendre aux légendes optimistes. Le branle était donné toutefois. Les historiens de l’école de Guizot et de Chéruel, et les critiques littéraires disciples de Villemain, de Cousin, de Nisard et de Sainte-Beuve, et les éditeurs de documents administratifs ou diplomatiques du siècle de Louis XIV, et enfin, et surtout, ceux des Sermons de Bossuet, travaillèrent à compléter Floquet en le corrigeant. J’ai déjà eu l’occasion de citer ici les principaux d’entre ces chercheurs, parmi lesquels Dijonnais et Messins se distinguèrent par de très sérieux et précieux apports à l’histoire de Bossuet en province, à la généalogie de sa famille. C’est de ce regain d’efforts « bossuétistes » du XIXe siècle et du commencement du XXe, s’ajoutant aux données toujours utiles de Le Dieu et les dépassant, que je voudrais aujourd’hui profiter [1] pour voir

  1. Particulièrement des ouvrages indispensables et très intéressants, — malgré l’aridité de la recherche généalogique, — de M. le chanoine Thomas, curé-doyen de Notre-Dame de Dijon : Les Bossuet en Bourgogne, Paris, 1903 ; Le Livre de la famille de Bossuet, Dijon, 1921. ouvrages qui seront souvent cités, et pourraient l’être à chacune des pages qui suivent. J’en dis autant de la Revue Bossuet dirigée et documentée de 1900 à 1907 par M. l’abbé Levesque.