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pour un gouvernement un peu stable en France, où nous avons usé et abusé, de tout. Il faut se servir de ce qui reste et de toutes les bases à donner à un pouvoir ; aujourd’hui, le vote du peuple direct est la seule possible, la légitimité n’étant pas admissible.


A Son Altesse le prince Napoléon


Paris, 8 décembre 1871.

Monseigneur,

A moins d’une erreur que je regarde comme peu probable, les feuilles que Votre Altesse a reçues sont toute la partie neuve du volume que je publie en ce moment. Le reste, à part la nouvelle lettre à M. Strauss, n’est guère composé que de réimpressions, que je n’ai pas cru devoir faire envoyer à Votre Altesse. Le volume a paru avant-hier ; depuis plusieurs jours, j’ai donné ordre à Lévy de vous en adresser un exemplaire à Prangins.

Indécis, hésitant sur les solutions pratiques, oui sans doute je le suis, Monseigneur, et quand on n’est mené que par le sentiment abstrait du bien public, quand on n’a pas le devoir pressant qui incombe à ceux que leur naissance ou un mandat de leurs concitoyens a chargés de prendre les partis décisifs, il est difficile de ne pas hésiter. Les bases pour toute reconstruction, quelle qu’elle soit, sont ébranlées dans notre malheureux pays. Le pays ne sait pas ce qu’il veut, et des hommes politiques, aussi chétifs que ceux qui composent la plus grande partie de la Chambre, ne sont pas capables de vouloir pour lui. Certainement, la majorité du pays, pour des motifs très divers, veut la monarchie ; mais inintelligente et maladroite, cette majorité saura difficilement réaliser sa volonté. Si l’armée avait une opinion, cette opinion triompherait ; car l’armée est, à l’heure présente, la seule force. Mais je suis porté à croire qu’elle est, comme le pays, indécise, sceptique, dégoûtée, uniquement soucieuse de s’abstenir. Par quelques côtés, on devrait se croire à une époque de pronunciamientos ; mais je doute que le soldat s’y prêtât. Il n’aspire qu’au repos, n’a nulle confiance on ses chefs, chercherait à rester neutre.

Comme Votre Altesse, je crois que la seule issue est l’appel au pays, et je l’ai dit, page 77, mais il est difficile de faire un plébiscite autrement que par oui et par non sur un fait accompli.