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DIX-HUIT MOIS
DANS
LES PRISONS BOLCHÉVISTES [1]
1918-1921


I. — LES DERNIERS JOURS DE KIEV

En automne 1918, je me trouvais à Kiev, alors au pouvoir de ce « prince d’opérette, » l’hetman Skoropadsky. Lorsque la guerre mondiale prit fin, au mois de novembre de la même année, les Alliés victorieux exigèrent la retraite des troupes allemandes de tous les territoires occupés de l’ancien Empire russe. La position de l’illustre hetman en devint très difficile, car ni lui, ni son Gouvernement n’étaient populaires en Ukraine.

La seule force nationale sur laquelle le général Skoropadsky pût s’appuyer était un régiment de Petits-russiens, qui avaient été prisonniers de guerre en Allemagne. Les Allemands, qui ne négligeaient aucune occasion d’en arriver à leurs fins, avaient inspiré à ces hommes l’idée d’une Ukraine indépendante (Samostiynaïa) et leur avaient suggéré par une propagande savante que leur contrée avait toujours souffert sous le joug de la Russie.

Cependant le fameux aventurier ukrainien Petlioura, prévoyant que les Alliés exigeraient la retraite des Allemands de l’Ukraine, et que l’hetman se trouverait par terre entre deux chaises, rassembla ses troupes et marcha sur Kiev. Ces troupes

  1. Copyright by princesse Tatiana Kourakine, 1922.