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qui s’accumulent à l’horizon de notre vieille Europe, et que si peu savent comprendre ! Que j’en veux aux lois d’exil qui me privent de ce qui était autrefois une de mes plus douces accoutumances !...

Certes, si l’hiver m’amène à chercher un peu de soleil en Italie, je demanderai la permission à Votre Altesse d’aller lui présenter mes devoirs, n’importe où Elle sera. Je vieillis ; les jambes sont mauvaises ; mais la tête et le cœur sont entiers.

Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer l’expression respectueuse de mes sentiments les plus affectueusement dévoués.

E. RENAN.


A Ernest Renan.


Prangins, 21 septembre 1888.

Mon cher monsieur Renan,

Une lettre aussi aimable que la vôtre est toujours la bienvenue. Je suis très heureux du mariage de ma fille ; tout s’est bien passé, quoique je sois peut-être trop philosophe pour aimer une cour où la position d’un proscrit et d’un Français pouvait être difficile dans la situation présente. Ma famille a été parfaite, mais le premier ministre est malveillant et hostile, il n’y a pas d’illusion à se faire. L’opinion n’est pas trop mauvaise en Italie, mais le Gouvernement est détestable. Me voilà heureux de me retrouver dans ma retraite, et de détourner la tête des fêtes allemandes qui auront lieu à Rome.

Vous revoir serait une grande satisfaction. Si vous allez en Italie, venez à Prangins avec Mme Renan : je serais si heureux de vous y donner l’hospitalité ! Vous adoucirez mon exil, et, à nos âges, il ne faut pas trop tarder à serrer la main de ses amis avant le grand voyage. L’état de la France n’est pas satisfaisant ; tout y est indécis et confus ; il y a un grand affaissement dans notre société. J’espère que nous vivrons assez pour voir le relèvement, mais souvent j’en doute ! Que je serai heureux d’en causer avec vous !

Recevez, mon cher monsieur Renan, l’expression de mon amitié dévouée.

NAPOLEON (Jérôme).

Je désire que Mme Renan trouve ici l’assurance de ma sincère amitié,