Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

existait et était possible, mais ils n’ont aucune force : les deux extrêmes seuls sont en force, tout intermédiaire a disparu, et ne se reconstitue pas ! C’est certes un malheur des temps : en religion, papistes ou libres-penseurs ; en politique, rouges ou autoritaires, voilà où nous en sommes !

Ce qui m’a surtout frappé, c’est combien les gens papalins sont peu éclairés, et étrangers à tout ce qui se passe dans le monde ; ce sont des fanatiques, fatalistes sans passion, — en général les Italiens en ont peu. Ainsi attendez-vous, à la mort de Pie IX, à avoir un seul successeur, produit d’une élection fanatique, surtout si elle se fait à Rome. Hors de la ville éternelle, elle serait moins vive parce que l’élu voudrait rentrer au Vatican, et que ce serait le seul appât capable de leur arracher un peu de modération, et une renonciation tacite au pouvoir temporel.

Quand publierez-vous votre prochain volume ? Que j’ai pensé souvent que vous devriez publier vos idées sur l’état actuel de la question religieuse ! Et où pourriez-vous le faire mieux qu’après avoir étudié sur place, à Rome, le personnel et les idées papales ; vous l’avez fait pour la politique, pourquoi ne le faites-vous pas pour la religion ? Vous le feriez avec cette modération, ce bon sens, ce charme, cette hauteur que vous mettez dans vos écrits.

Je vous serre la main, mon cher monsieur Renan. Votre affectionné.

NAPOLEON (Jérôme).


A S. A. I. le prince Napoléon.


Sèvres, 14 juillet 1872.

Monseigneur,

J’ai appris, seulement il y a quelques jours, que Votre Altesse était revenue à Frangins, et je me suis réjoui de la savoir dans ce beau séjour où Elle m’a permis l’an dernier de passer quelques jours auprès d’Elle. Ce lac délicieux, ces splendides sommets de neige, ces fraîches côtes boisées de Saint-Cergues, m’ont laissé le plus vif souvenir, et je ne doute pas que Votre Altesse, qui sait si bien sentir tout ce qui est beau, ne trouve là encore cette année, le calme et l’oubli du présent.

Notre pauvre pays, malgré sa pesanteur politique, a plus de