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tous les deux ! mais le pouvoir temporel me parait tout à fait condamné, même dans l’esprit de beaucoup de prêtres, car figurez-vous que j’en ai vu plusieurs ; les Italiens sont, dans la forme, moins exclusifs et intolérants que le clergé français. L’Assemblée se déconsidère de plus en plus chez nous ; c’est M. Thiers qui en a le bénéfice momentané : il espère arriver à la délivrance de notre territoire par les Allemands, et écrire ce succès dans l’histoire. Je le désire plus que je ne le crois, ayant moins de confiance dans la finesse et les petits moyens que dans une conduite nette et franche, convenant seule à la démocratie nécessaire dans laquelle nous vivons. Je sais ce que ce mot doit soulever en vous : votre dernier livre me le dit.

J’ai retrouvé quelques amis à Rome, entre autres, Augier, et Amaury Duval, le peintre. Je reste quelques semaines à Prangins. Dites-moi ce que vous devenez ; je vous serre affectueusement la main, et offre mes hommages à Mme Renan. Votre affectionné.

NAPOLEON (Jérôme).


Londres, Claridge’s Hôtel, ce 29 avril 1872.

Mon cher monsieur Renan,

Votre lettre est venue me rejoindre dans cette grande ville bien triste et bien noire, où mes affaires m’ont appelé pour deux ou trois semaines ; après Rome, la transition était brusque, et l’opposition peu agréable !

J’ai lu votre lettre avec d’autant plus d’intérêt que je viens d’Italie, où je me suis sans cesse posé les problèmes sur lesquels vous me donnez votre opinion. — Je crois, comme vous, que l’ancienne organisation de l’Eglise catholique ne peut durer ; la transformation est évidente : pas un homme intelligent, même à Rome, ne croit à une restauration du pouvoir papal comme dans le passé. Mais qu’arrivera-t-il ? Vous prévoyez un schisme provoqué par une double élection du pontife ; je ne crois pas qu’une double élection ait lieu, parce que le Gouvernement italien, peu prévoyant, fort étranger à la direction des affaires de l’Église, ne pourra trouver ni dix cardinaux, ni dix évêques qui suivront ses conseils, et qui nommeront un pape modéré et conciliant ; il en est un peu des catholiques modérés par leurs idées, comme des républicains modérés ; ce serait bon, si cela