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Dès qu’il sera possible, j’irai présenter mes devoirs à Votre Altesse, et alors je pourrai lui dire en détail ce qui maintenant exigerait des pages. Je la prie, en attendant, de croire aux sentiments de profond respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être

Son tout dévoué serviteur,

E. RENAN.


A Ernest Renan


Londres, Claridge’s Hôtel, ce 23 mai.

Mon cher monsieur Renan,

Quelle joie de recevoir des nouvelles, et de France, et de vous ! Les douleurs de l’absence du pays sont bien réelles. Que j’ai souvent pensé à vous, à votre article de la Revue sur les conséquences du triomphe de la révolution brutale et aveugle ! Vous avez été prophète, comme je l’ai été pour la guerre étrangère. Quel avenir ! Cependant je ne puis me résoudre à croire à la décadence complète de notre pays. Je me cramponne à un espoir que ma raison n’entrevoit pas encore. Peut-on dire : je veux croire ? enfin c’est ce que je fais, mais mieux que personne vous savez ce que le doute patriotique a de cruel et d’affreux !

La période aiguë semble toucher à sa fin, la lutte va finir. Je suis décidé à faire mon devoir envers mon pays ; toute intrigue me répugne, mais je ne discuterai jamais les services à rendre, si j’en suis capable.

L’espoir que vous me donnez me touche : je serais si heureux de vous revoir ! Préférez-vous la Suisse ou l’Angleterre ? Je penche pour la campagne, en Suisse ; dites-moi si cela cadre avec vos projets. Vous devriez y venir passer quelques jours à notre chalet de Prangins, avec Mme Renan. — Quant à moi, voici mes projets. Attendre ici encore huit ou dix jours la prise complète de Paris, ensuite aller pendant plusieurs semaines chez moi en Suisse, où ma famille est restée. Dites-moi ce que vous entrevoyez. Je vous serre bien affectueusement la main.


A S. A. I. le prince Napoléon.


Sèvres, 15 juin 1871.

Monseigneur,

Ces effroyables énormités [1] m’avaient rempli d’une telle stupeur

  1. L’Incendie de Paris par la Commune.