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peut en résulter des situations délicates. Tout acte de fermeté du Gouvernement italien sera présenté comme l’effet d’une instigation de Votre Altesse.

J’ai presque honte de me faire l’interprète de si basses pensées ; mais les personnes de votre rang, Monseigneur, sont obligées de compter avec l’opinion, et l’opinion est toujours sotte et cancanière. Maintenant, je ne voudrais pas que Votre Altesse attachât à ces appréhensions plus d’importance qu’elles n’en avaient dans mon esprit, c’est-à-dire de simples nuances fugitives, quand je les avais signalées à la personne qui me fit part des intentions de Votre Altesse.

Bien plus encore qu’au moment où j’écrivais mon dernier Essai, je crois qu’un appel au pays peut seul servir de clef à la situation inextricable où nous sommes. Cet appel donnerait seul, au Gouvernement qui en sortirait, la force qui lui serait nécessaire. Mais je doute que l’Assemblée vienne à ce parti. De toutes parts, l’ami de l’ordre et de la légalité se heurte à des impossibilités.

M. Berthelot a été, en effet, bien malade ; il est à peu près rétabli ; il va partir pour Naples ces jours-ci.

Veuillez agréer, Monseigneur, l’assurance de mes sentiments les plus respectueux et les plus dévoués.

E. R.


A Ernest Renan.


Prangins, ce 30 mars 1872.

Mon cher monsieur Renan,

Depuis votre lettre du 12 février, j’ai passé un mois à Rome ; j’y ai bien souvent parlé de vous avec ma cousine, et j’y ai encore plus pensé. Julie m’a communiqué votre avis sur le séjour de l’apôtre Pierre. Je vous ai souvent regretté dans mes longues courses et visites avec MM. de Rossi, et P. Rosa. Cette ville a un grand charme, et pouvoir oublier le présent pendant quelques heures par jour, et s’absorber dans une étude attachante de l’antiquité, est une véritable jouissance !

Souvent j’ai réfléchi à ce que vous me disiez de la possibilité d’un schisme, et il me parait moins impossible que je ne le croyais. Ce qui est certain, c’est que l’état actuel à Rome ne peut durer, ni pour l’Italie, ni pour le pape. Cela va mal pour