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REVUE DRAMATIQUE


Gymnase : Judith, drame en trois actes et sept tableaux, par M. Henry Bernstein. — Odéon : La Dent rouge, pièce en quatre actes et six tableaux, par M. H. -R. Lenormand. — Comédie-Française : Le Chevalier de Colomb, drame en trois actes et en vers, par M. François Porche.


Les figures historiques ne sont pas immuables. Elles vivent à travers les siècles, et, comme fout ce qui vit, elles sont soumises à la loi du changement. Chaque génération les imagine à sa manière, c’est-à-dire à sa ressemblance. M. Henry Bernstein était parfaitement libre de nous donner son interprétation de l’histoire de Judith : à nous de voir ce qu’il a fait de cette histoire magnifique, qui symbolise quelques-uns des plus beaux sentiments de l’humanité.

Est-il besoin de rappeler le récit biblique ? Béthulie est à la veille de succomber sous les coups d’Holopherne. Inspirée par le Seigneur, une femme, dans sa faiblesse et son courage, conçoit le projet de délivrer la ville aux abois, de sauver une civilisation menacée. Elle est belle, elle est chaste. Que ce soit Judith ou Charlotte Corday, la veuve ou la jeune fille, nul soupçon ne ternit ces âmes immaculées. Un seul amour : celui de leur pays. Une seule passion : la religion de la patrie. Elles brillent d’un pur éclat au ciel moral.

Voici maintenant les faits de la pièce. Dès la première scène, il apparaît que nous sommes transportés dans une tout autre atmosphère. Des pures régions du sacrifice nous sommes précipités dans le trouble royaume de la sensualité. Judith, qui vient de surprendre sa servante Ada en flagrant délit d’adultère, lui fait subir l’interrogatoire le plus scabreux et le plus précis. Elle exige que cette fille ardente lui détaille tous les secrets de sa chair. Ces confidences font courir en elle un frisson qu’elle ne retrouve pas dans ses souvenirs. Car