Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai communiqué ma lettre à Ollivier, quoique l’affaire ne relève pas de son département, d’abord, à cause de l’amitié que j’ai toujours eue pour lui, et puis, parce que j’ai voulu éviter tout ce qui ressemblerait à de l’importunité ou de la taquinerie. Je voudrais vraiment qu’Ollivier prit un quart d’heure pour réfléchir à cette affaire. Elle aura son importance comme signe du temps. J’approuve tout à fait que, dans les affaires ecclésiastiques les plus graves, celle du Concile, par exemple, le Gouvernement adopte le principe de l’abstention et de l’indifférence ; mais la conséquence de cette conduite, est qu’il en fasse autant dans les questions d’instruction et de science. Quand l’Etat se permet de faire quelques observations à l’Eglise sur les dogmes qu’elle est en train d’élaborer, l’Eglise répond à l’Etat : « Ne vous mêlez pas de mes affaires. » Vraiment, quand l’Eglise vient dire à l’Etat : « Tel de vos professeurs me déplaît, » l’Etat a bien aussi le droit de lui répondre : « Vous ne voulez pas que je me mêle de vos affaires, ne vous mêlez pas des miennes. » D’ailleurs, dans la rédaction définitive de ma lettre, que j’ai remise à Votre Altesse et à M. Segris, je ne demande en réalité que l’observation des règles établies. A toute interpellation, le ministre a une réponse bien simple à faire : « Ai-je mal fait de demander les présentations ? Le règlement m’y obligeait. Ai-je mal fait de nommer celui qui m’était présenté ? L’usage invariable de toutes les administrations et le simple bon sens m’y obligeaient. »

Il n’est pas possible qu’Ollivier ne comprenne pas cela. Je serai infiniment reconnaissant à Votre Altesse, si Elle veut bien attirer son attention sur ce point, et je reste, avec le plus profond respect,

De Votre Altesse, le très dévoué serviteur,

E. RENAN.

Note de la main du Prince : A quelle heure voir Ollivier pour lui en parler ? Voir M. Renan.


Sèvres, 7 août 1870.

Monseigneur,

Votre Altesse a bien voulu m’associer à ce brillant voyage du Pôle, qui restera l’un des meilleurs souvenirs de ma vie [1].

  1. Au moment où la guerre fut déclarée, le Prince Napoléon ayant avec lui un certain nombre d’amis, parmi lesquels E. Renan, était en route vers les régions arctiques qu’il avait déjà explorées plusieurs fois. Il dut revenir à l’improviste, par des voies rapides, le 15 juillet, pour retrouver l’Empereur.