Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
revue des deux mondes.

me le suis même interdit. Non, je ne puis croire qu’il soit bon pour cette Eglise de France, dont j’ai été mieux placé que personne pour apprécier les grandes parties, je ne puis croire qu’il soit bon pour elle que l’enseignement public, auquel j’avais droit, m’ait été obstinément interdit parce que cette Eglise y opposa son veto, et que l’Etat se soumet à ce veto. Quand un jour, mis en présence d’autres adversaires qui n’auront pas ma modération, l’Eglise m’invoquera comme un apologiste contre des attaques injurieuses et destructives, les catholiques éclairés regretteront peut-être d’avoir entravé la vie d’un respectueux dissident que les plus injustes procédés ne poussèrent jamais au delà du point où il voulut s’arrêter.

Pour m’accorder, et, si j’ose le dire, pour accorder sur ce point à l’opinion libérale une juste satisfaction, il n’est pas nécessaire d’ailleurs de revenir sur la mesure qui m’a frappé. La chaire est vacante depuis trois ans. La bonne administration, sinon le règlement, veut qu’il y soit pourvu. Que Votre Excellence demande, selon le décret organique, les présentations du Collège de France et de l’Institut. Je m’offrirai de nouveau aux suffrages des deux Compagnies [1]. Si elles me présentent une seconde fois, il ne se trouvera pas un homme sensé pour reprocher au gouvernement de l’Empereur d’avoir suivi l’avis de corps si graves et si hautement autorisés.

Veuillez agréer, monsieur le Ministre, l’expression de mon profond respect.

H. RENAN.

P.-S. — Je me permets de transmettre à Votre Excellence : 1° un exemplaire de ma leçon d’ouverture ; 2° un volume où j’ai inséré toutes les pièces de cette affaire, et une lettre que j’adresserai à mes collègues pour leur expliquer ma conduite dans tout cela.


A S. A. I. le prince Napoléon.


Paris, 2 février 1870.

Monseigneur,

Puisque Votre Altesse veut bien approuver ma démarche, ce que j’oserai lui demander, serait d’en dire un mot à Ollivier.

  1. Si je n’ai pas figuré aux présentations de décembre 1864, c’est que ces présentations ont été demandées pendant que j’étais en Orient. (Note de Renan.)