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Je ne devais plus le revoir. Quatre jours ne s’étaient pas écoulés, j’appris qu’il avait été mortellement blessé le 12 juin à la bataille de Chablievka près de Torgovaïa : il mourut le 13 juin.

Enchanté du résultat de la bataille, il était très en forme. Il sortit de sa maisonnette, sans être accompagné de personne. A ce moment, une explosion retentit non loin de là. Les officiers accoururent : ils virent le général tombé sans connaissance. Ç’avait été le dernier coup de canon tiré par les rouges.

Le général Serge Léonidovitch Markoff n’avait que quarante ans, lorsqu’il fut fauché par la mort.

Toute sa carrière avait été liée à celle de Denikine. Lorsque ce dernier, en 1917, fut nommé général en chef de l’armée du Sud Ouest, Markoff devint le chef de son état-major. Mais la Révolution et son chef, Kerensky, n’estimaient pas les grands soldats. Après le « complot » de Korniloff, Kerensky fit emprisonner Denikine et Markoff. Tel était le traitement que la Révolution réservait aux meilleurs généraux russes. Alexéïeff était en disgrâce, Korniloff emprisonné à Bykhoff et Denikine avec Markoff à Berditcheff.

Markoff parvint à s’enfuir sous un déguisement. Il rejoignit l’armée d’Alexéïeff et de Korniloff sur le Don et, à la tête des marins restés fidèles, prit immédiatement en mains la direction de la défense de Rostov, du côté de Bataïsk. Dans la première campagne, à la tête du 1er régiment d’officiers, il se couvrit de gloire près de Lejanka, Korenovskaïa et Ekaterinodar ; mais c’est près de Medvedovskaïa, comme je l’ai dit, qu’il sauva littéralement l’armée.

Dans ses unités (le premier régiment d’officiers et le premier régiment du Kouban, plus tard régiment du général Alexéïeff), la discipline était très rigoureuse. Vif et emporté, Markoff pouvait être parfois injuste, mais il y avait tant de noblesse dans son caractère, tant d’énergie et de bravoure illimitée, que personne ne songeait à se plaindre de sa brusquerie. Autant que de bravoure, il avait de magnifiques talents et une connaissance accomplie du rude métier militaire. Et ce beau soldat, tout de même que Korniloff, périt d’une main russe.

Après sa mort, le général Denikine lança l’ordre du jour suivant :

« L’armée russe vient de subir une perte cruelle : le général