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cieux, je cherche les doux yeux rayonnants de Véra Engelgardt et le gai et charmant regard de notre hussard.


XII. — LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU KOUBAN (JUIN 1918).

L’armée des généraux Alexéïeff et Denikine se remettait peu à peu des fatigues de la précédente campagne. Des officiers nouveaux arrivaient chaque jour sur le Don, venant de Russie à travers l’Oukraïne. L’armée grossissait. Le moral n’y était peut-être plus le même que celui qui régna lors de l’incomparable première campagne. Il y avait beaucoup trop de nouveaux qui enviaient les vieux et ces derniers, il faut l’avouer, ne manquaient pas de souligner encore cette différence. Les armées de cette seconde campagne n’en présentaient pas moins des unités admirables, qui surpassaient encore celles qui marchèrent sur Moscou en 1919.

Il était impossible de maintenir l’armée inactive. Alexéieff et Denikine avaient des obligations d’honneur envers les cosaques du Kouban, qui nous avaient suivis sur le Don exclusivement pour renforcer nos rangs. Au Kouban, des émeutes avaient lieu sans cesse ; notre armée y était attendue comme une libératrice. Ces raisons déterminèrent les généraux Alexéieff et Denikine à reprendre la route d’Ekaterinodar sur le Kouban.

Cette fois, je n’étais plus avec l’armée ; mais je m’efforçais, en éditant mon journal, le Vetchernee Vremia (le Temps du Soir), de rester en contact avec elle. Cette dernière n’évitait plus les rencontres avec l’ennemi, mais, au contraire, était résolument passée à l’offensive. A l’extrême gauche du front, les centres principaux étaient les villages Torgovaïa et Velikokniageskaïa, où les rouges avaient de grands entrepôts, ainsi que la stanitza Tikhoreizkaïa, où les entrepôts étaient encore plus importants.

Dès le début, nous eûmes à enregistrer de belles victoires, mais aussi, hélas ! un grand malheur : la mort du général Markoff.

Il venait d’arriver à Novotcherkassk pour prendre un peu de repos ; une brillante conférence qu’il y prononça lui valut des acclamations sans fin. Le même soir, je le rencontrai à l’Hôtel d’Europe. Il était, encore tout environné de cet éclat qui rayonne, d’un grand succès. Il était heureux, spirituel, gai. Son visage, qui avait quelque chose de Don Quichotte, s’éclairait d’un large sourire.