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Véra s’engagea avec son frère Youri, pour l’expédition que le général Vrangel préparait dans le Kouban, expédition brillamment menée, mais compromise par le peu d’élan des Cosaques, et qui fut loin de donner les résultats espérés.

C’est par les journaux que j’appris la mort de Véra Engelgardt.

Voici ce que j’écrivis alors sous l’impression de cette mort tragique :

« Cette admirable jeune fille, digne, par son caractère, des meilleurs peintres de l’âme féminine russe, a été massacrée par les soldats rouges dans le Kouban. Son crime fut de n’avoir pas voulu abandonner un officier blessé, son frère, et de l’avoir défendu contre la pègre déchaînée.

« Sa biographie est courte, comme toute l’histoire de la renaissance de la Russie, son exploit superbe et rapide comme un météore fendant l’espace céleste.

« C’était une jeune fille réfléchie et stoïque, de Tourguénef ou de Tolstoï, sans l’âme maladive des héroïnes de Dostoïevsky, ni la charmante médiocrité de celles de Tchékhov ; une vraie jeune fille russe et, pardonnez-moi, messieurs les démocrates, une charmante demoiselle russe.

« Et voilà que cette exquise demoiselle, cette noble sœur de charité, a disparu. Elle est morte sous le signe de la Croix rouge, non comme une victime inutile, mais comme une héroïne.

« Il y avait en Véra Engelgardt tant d’élan, tant d’abnégation qu’elle devait inévitablement aller au-devant de cette fin héroïque.

« Si jamais on lui érige un monument, il faudra l’orner d’un côté de l’insigne de notre première campagne « en récompense d’une témérité au feu et d’une abnégation remarquables » qu’elle porta avec une juste fierté, et de l’autre côté de la croix des braves, la croix de Saint-Georges.

« La couronne d’épines et la croix de Saint-Georges, voilà ce qu’a mérité cette superbe jeune fille russe, toute brûlante d’amour pour la Patrie. »



Nos cœurs ne battront pas pour rien,
Le vin célébrant la gloire ;
Nos chants résonneront souverains ;
Gaiement nous fêterons les hussards.
(Dernière chanson des Hussards de Eroféev.)


D’une tout autre sorte était notre ami commun Eroféev,