Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compliquaient à l’excès, notre art aspirait à un renouveau. Une évolution était fatale : elle se fît en France, — comme dans le reste de l’Europe. Mais a-t-elle rompu toute tradition ? L’imagination des artistes fut-elle bouleversée à ce point qu’ils répudièrent le legs qu’on porte malgré soi dans le sang ?

Non. L’italianisme fut une mode imposée par les rois, acceptée par les artistes : qui n’eût alors subi le prestige éblouissant de la Renaissance italienne ? Mais ce ne fut qu’une mode. Des architectes, des sculpteurs, des peintres italiens furent appelés d’outre-monts et travaillèrent chez nous selon les idées et la manière de leur pays, tandis que des architectes français décoraient nos églises et nos châteaux d’ornements, de rinceaux et d’arabesques empruntés à l’art florentin. La Renaissance a été, avant tout, le retour à ces sources lointaines où l’art français avait trouvé ses premières inspirations. Au seizième siècle, la France n’a point, comme d’autres, découvert l’Antiquité, car jamais elle n’avait cessé d’en écouter les leçons et d’en vénérer les reliques. Il y avait quinze siècles que le trésor gréco-romain faisait partie de son patrimoine spirituel. Comment elle a adapté Vitruve à ses besoins et à ses goûts, comment, jusque dans son classicisme, elle a toujours conservé des réminiscences de l’art médiéval, c’est ce que montre l’étude attentive des œuvres de Pierre Lescot, de Philibert Delorme, de Jean Bullant, de Jean Goujon et de Germain Pilon. Ici encore il faut citer la forte conclusion de M. Gillet : « Deux générations suffisent pour opérer, presque sans efforts, cette transformation étonnante. On dirait qu’elles mêlent sans peine leurs deux antiquités, la double tradition gothique, puis romaine, qu’elles portent dans leur sang. Elles sauvent du passé le meilleur, l’ordre, la grâce, la logique, le goût de la nature et de la vérité. La France s’est donné le luxe de se recommencer tout entière à un moment de son histoire : parce qu’il lui a plu ainsi et que tel fut son bon plaisir. Elle parla avec autant d’aisance son éloquence classique que son vieux roman du Moyen-âge. C’est que les deux langages sont toujours du français. »

On aimerait à suivre l’historien lorsqu’il trace un tableau brillant de l’art de Versailles, conte les destinées de la peinture au XVIIe et au XVIIIe siècle, insiste, comme il convient, sur la grande œuvre monumentale qui, à la veille de la Révolution, s’accomplissait dans toutes les villes de France. Mais nous en