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été le plus rigoureusement observé. De la coupole de la cathédrale de Coutances le regard plonge sur l’église entière, et la miraculeuse perfection du plan de l’édifice que nous découvrons à nos pieds, nous remplit de cette même joie que nous ressentons devant la Maison Carrée ou devant le Grand-Trianon. Les grands ouvrages du XIIIe siècle français portent la marque de l’esprit classique.

La sculpture du Moyen-âge n’est pas, comme l’architecture ogivale, une création directe de la France. L’Antiquité n’a pas seulement formé et réglé le goût de nos statuaires, elle leur a donné un enseignement plus immédiat. Pour la sculpture purement ornementale des premières églises romanes, c’est l’Orient qui a fourni des modèles. Mais lorsqu’on commença de sculpter le tympan des portails et d’y représenter des scènes de l’Écriture et des images vivantes, l’Orient qui n’a connu que la sculpture plate et la gravure sans relief, ne pouvait plus rien apprendre à nos imagiers. Ceux-ci durent alors se tourner vers l’antiquité gréco-romaine et lui demander les premiers principes d’un art depuis longtemps aboli. Le foyer s’alluma en Aquitaine. Pour connaître les origines de la sculpture française, il faut aller au musée de Toulouse et au cloître de Moissac. Du Languedoc le mouvement gagna la Bourgogne, puis toute la France. Les anathèmes de saint Bernard ne purent l’arrêter. Si la chrétienté les eût écoutés, quel appauvrissement pour la civilisation ! Mais le grand moine avait distingué le paganisme latent que recelait cette renaissance de la plastique ancienne.

Les meilleures pages de M. Louis Gillet sont celles où il a conté la genèse de notre sculpture, décrit le portail royal de Chartres et caractérisé la physionomie et le talent de chacun des anonymes qui collaborèrent au sublime chef-d’œuvre, sommet de l’art français.

Aux XIVe et XVe siècles, dans l’architecture, dans l’art de la tapisserie, dans la peinture, dans la sculpture, à travers les variations du goût, rien n’interrompt la tradition. Cependant non content d’en établir la continuité, M. Gillet voudrait faire entrer dans le cadre français les grands artistes, même étrangers, qui ont travaillé en France. Aussi est-il quelque peu embarrassé quand il rencontre Claus Sluter. Ce Hollandais s’accommode très mal de la naturalisation, bien qu’il ait passé sa vie à Dijon. Courajod, qui ne perdit jamais une occasion de montrer