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souligné des particularités de style ou de procédé, afin de nous rendre plus sensible le caractère des œuvres qu’il représentait. Plus d’une remarque ingénieuse fut peut-être suggérée à M. Louis Gillet par ces pénétrantes images.


M. Louis Gillet a composé moins un tableau de l’art français qu’une histoire de la tradition française. Une pensée maîtresse domine et anime tout son ouvrage : notre art est sorti des entrailles de notre race. Formée par la connaissance des chefs-d’œuvre de l’antiquité, la France est restée fidèle à l’enseignement de ses premiers maîtres ; jamais elle n’a perdu les qualités qu’elle tenait de ses origines, ni dans les siècles où elle-même a créé des formes nouvelles, ni dans ceux où elle a subi la passagère invasion de modes étrangères. Son art est la fleur d’une civilisation lentement cultivée par Rome et l’Orient et qui s’est épanouie au XIIe siècle. Depuis, des nuages ont pu traverser le ciel ; mais au premier rayon de soleil, on a toujours constaté que la rose de France avait gardé les mêmes couleurs et les mêmes parfums.

Il s’est trouvé des historiens pour déplorer la conquête romaine et regretter que nos ancêtres n’aient pu développer leur civilisation à l’abri des influences latines. Ce que nous savons de la civilisation des Celtes n’est pas pour justifier cette thèse sentimentale. De l’art antérieur à la venue des légions romaines peu de débris ont été retrouvés sur le sol gaulois ; et ces poteries et ces vases de bronze ne sont même pas des productions indigènes : ils avaient été importés par les Phocéens de Marseille. Point d’architecture ; des huttes et quelques essais de fortification militaire Or, moins d’un siècle après la conquête, la Gaule tout entière était couverte de ces monuments magnifiques dont les ruines n’ont point péri : aqueducs, ares de triomphe, thermes, temples et amphithéâtres. Art utilitaire, art grossier, art de décadence, que n’a-t-on pas dit de ces monuments romains en les comparant aux divines créations des époques helléniques ? Mais, depuis longtemps, en Grèce, la lumière s’était éteinte. Ce que Rome apportait à la Gaule, c’était, avec la puissante, l’inébranlable solidité de son architecture, l’art semi-oriental des Alexandrins. Elle bâtissait des routes et des ponts indestructibles, mais en même temps elle plaçait dans ses théâtres, ses