Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour les traiter à la manière de ces naturalistes qui épinglent des papillons sur des bouchons de liège ; il les aime pour eux-mêmes et pour la joie qu’ils lui ont donnée. Il n’a point la superstition des dates : n’y eut-il pas toujours parmi les artistes des précurseurs et des attardés ? Il ne croit pas non plus aux formules creuses que ressassent les personnes dépourvues de toute sensibilité artistique : beauté classique et beauté romantique, art païen et art chrétien, des mots bons à inscrire sur le couvercle des boites à fiches !

Ecrivant l’histoire des arts en France, il ramène tout à la tradition nationale, et son unique objet est de montrer que jamais elle ne fut interrompue. Mais à ce mot de tradition dont on a si étrangement abusé, il rend son sens véritable. Quand il arrive au temps de la Renaissance où tant de critiques ont voulu voir une brisure, il s’arrête : « Il faut, dit-il, reproduire ici une profonde observation de Lanson, entrevue déjà par Choisy et Viollet-le-Duc. Ah ! si l’architecture ne tenait qu’à quelques formes de pilastres, à un système d’agencement et de proportions, la Renaissance serait peut-être la contradiction de toute notre histoire ; mais il ne dépend pas de nous d’échapper à la tradition. La tradition n’est pas ce qu’on accepte du passé, c’est le legs qu’on en porte malgré soi dans le sang. On n’est pas plus maître de la renier qu’on ne l’est d’éluder les lois de l’hérédité. La tradition, c’est la race et le tempérament, c’est la continuité elle-même de la vie. » Cette continuité, — le mot revient souvent sous la plume de M. Gillet, — il est impossible de ne la point sentir et admirer, à mesure que se déroule l’œuvre des siècles et que passent sous nos yeux les images dont cette histoire est illustrée.

L’auteur a eu en M. Georges Piot le plus précieux des collaborateurs. Dans les dessins et les aquarelles dont il a accompagné le texte, cet artiste de grand talent a, lui aussi, raconté à sa manière l’histoire de l’art français. C’est la première fois croyons-nous, que l’on voit tous les chefs-d’œuvre qui font la gloire de la France, depuis les monuments gallo-romains jusqu’aux sculptures de Carpeaux et aux peintures de Manet, interprétés par un artiste qui y a mis tout son cœur, tout son goût, toute son intelligence. Interprétés, car ni ces libres esquisses au trait, ni ces ardentes aquarelles ne sont de serviles copies des originaux, Avec l’adresse la plus délicate, M, Piot a