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devrait participer à l’opération, il faudrait donc qu’elle fût et Ludendorff proclame qu’à l’heure actuelle, elle n’existe pas ; cela revient à dire qu’elle serait d’abord à renforcer. Première aubaine ! Les nouveaux maîtres de la Russie, d’autre part, ne manqueraient pas de lui garder quelque reconnaissance de son intervention. Deuxième avantage, puisque l’opération, qui resterait à accomplir en Allemagne même, pourrait d’abord se faire avec un instrument de lutte bien supérieur à celui d’aujourd’hui et que la restauration monarchique, bien loin de se heurter à une propagande antagoniste, serait regardée avec bienveillance par les gouvernants russes. Car, pour finir, il faudra toujours en arriver à combattre les bolchévistes de l’intérieur, c’est-à-dire les républicains ; à ce point de vue, la situation serait donc excellente. A défaut de lutte préliminaire contre les soviets de Moscou et des avantages y afférents, le but à atteindre n’en demeure pas moins fixé, mais force est alors de se contenter des moyens avoués ou provisoirement inavouables qu’on est parvenu à garder ou à se procurer.

De tout ce que nous savons, il résulte qu’en Allemagne la guerre est ouverte entre la réaction et la république. Reste aux monarchistes, conduits par Ludendorff, à engager ouvertement la bataille, — on n’en est encore qu’aux marches d’approche, — ou plutôt la première bataille, car, à coup sûr, plusieurs devront être livrées. Pour le moment, il s’agit de conquérir la Bavière et d’y rétablir la royauté ; l’exemple, la persuasion et, au besoin, la force entraîneront le reste de la nation [1].

De tout ce qui précède on peut conclure avec certitude que la bataille de Bavière serait aujourd’hui sûrement gagnée. Les républicains eux-mêmes ne se font aucune illusion. Voici ce que disait à la « Ligue de la Jeune République, » en mai dernier,

  1. On peut constater déjà que la maladie nationaliste et monarchiste est contagieuse et c’est bien sur quoi comptent les royalistes de Bavière. Le Gouvernement de la république badoise, et notamment son ministre de l’Intérieur, un social-démocrate, avait, en 1921, interdit les réunions des sociétés régimentaires, sachant fort bien qu’elles favorisent l’esprit de réaction et justifient le soupçon de tous ceux qui estiment que le pangermanisme, loin d’être mort, n’a rien abdiqué de ses prétentions de jadis. En 1922, le même Gouvernement et le même ministre de l’Intérieur, non seulement tolèrent les fêtes régimentaires, mais les encouragent en y assistant aux côtés du grand-duc détrôné ou de ses représentants. La violence des propos qui sont tenus dans ces réunions (6, 7 et 8 mai, 10, 11 et 12 juin, 1er, 2 et 3 juillet, 12, 13 juillet, 9 et 10 septembre ne le cède en rien à celle des discours prononcés dans l’Etat voisin.