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A Munich, au sein de l’« Association des sous-officiers bavarois, » Ludendorff rappelle les exploits des sous-officiers pendant la guerre ; puis, passant à l’examen de la situation politique, déclare : « A présent, nous ne sommes plus les maîtres chez nous, nous ne sommes que des esclaves travaillant au profit des capitalistes étrangers ; notre patrie ne peut être sauvée par aucun régime, aucun parti, si tous les vrais patriotes ne s’unissent pour la restaurer. Naguère encore, notre peuple accomplit des prodiges ; cela lui donne le droit de vivre. Réapprenons la fierté d’être Allemands ! »

Tout récemment, une nouvelle association s’est formée entre titulaires de la croix de fer de 1re classe ; Ludendorff en assume la présidence. Son but ? Cultiver par tous les moyens les vieilles traditions de la monarchie.


Tout cela est-il assez clair ? Et n’est-il pas vraiment remarquable que Ludendorff, si enclin à jeter le cri de guerre contre les seuls bolchévistes lorsqu’il s’adresse à des étrangers, n’effleure que peu ou point le sujet lorsqu’il parle à des Allemands ? En ce dernier cas, c’est la République qui, directement et indirectement, fait tous les frais.

Il n’y a point là de contradiction. Si l’armée allemande qui, sous le commandement de Ludendorff, volait, — comme chacun sait, — de victoires en victoires, fut finalement battue, c’est que des traîtres la frappèrent par derrière. Les coupables ? Les révolutionnaires qui proclamèrent la République avec son inévitable cortège : la défaite hideuse, les désordres intérieurs, les humiliations extérieures, les mesures antinationales, le bolchévisme pour tout dire. Ludendorff, comme tout Bavarois conservateur, assimile donc bolchévisme à république. Interrogez-le sur ce sujet et il vous dira que le traité de Rapallo lui donne raison, et aussi l’assassinat de Rathenau, car il ne douta pas, — au début du moins, — que les meurtriers de cet homme d’État ne fussent des adeptes de la dictature du prolétariat !

En fait, les bolchévistes de Moscou ne sont là que pour la façade, celle que regarde l’étranger ; mais ce sont ceux de Berlin qu’il vise. Sans doute, si, comme il le désire, les grandes Puissances parvenaient à s’entendre pour détruire les Lénine, Trotzki et consorts, ce serait tout avantage, car l’armée allemande