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n’appelait sous les armes que 54 pour 100 de ses hommes valides, tandis que la France en enrôlait 82 pour 100, « ce qui prouve bien que les Allemands ne voulaient pas la guerre. »

Au début de juin, à Erfurth, à l’assemblée de l’« Ordre des jeunes Allemands, » il prononce un discours sur lequel la presse a fait le silence mais qu’une petite feuille de province a publié : « C’est toi, simple feldgrauer [1], qui es le héros de la guerre mondiale. C’est devant toi que nos ennemis tremblent encore aujourd’hui, car ils ont fait ta connaissance pendant la guerre. Que les Anglais, ces égoïstes qui ne songent qu’à leurs intérêts, se claquemurent dans leur île, mais nous, Allemands, nous vivons sur le continent, entourés d’ennemis ; notre devoir est de nous unir, de nous sentir les coudes et de présenter un front unique à nos oppresseurs. Que faut-il pour cela ? L’esprit des rois de Prusse, l’esprit d’avant 1914, celui qui nous animait lorsqu’on nous força à faire la guerre. Nous ne devons avoir qu’un but et vous le connaissez : libérer le pays de ses oppresseurs. Nous n’y parviendrons pas sans la force. Un jour naitra où nous ferons appel à chacun de vous pour la liberté de la grande Allemagne. »

Si, le 25 juin 1922, Ludendorff n’est pas avec les 25 à 30 000 pangermanistes qui ont choisi le village de Caub comme lieu de réunion parce que Blücher y passa le Rhin en 1814, c’est que l’assassinat de Rathenau date de la veille ; cet événement fait véritablement trop de bruit en Allemagne pour que Ludendorff commette l’imprudence de tenir la promesse qu’il a faite au Comité d’organisation. De beaucoup de côtés, en effet, son arrestation est réclamée ; peut-être même, après une perquisition opérée à son domicile, — pour la forme sans doute, — est-il astreint à demeurer prisonnier sur parole durant quelques jours. Mais, lui présent, les discours de Caub n’auraient pas été modifiés. Or, tous furent d’une violence inouïe, tous célébrèrent la gloire de l’ancien régime, condamnèrent la République et dénoncèrent l’occupation des Pays rhénans comme une insulte insupportable ; plusieurs se terminèrent par un appel non déguisé au coup d’Etat : « En avant sains crainte ! Haut la tête pour l’audacieuse aventure ! La jeunesse allemande, sur les bords du Rhin allemand, rebâtira ce que le (festin est parvenu à détruire. »

  1. En France, on dirait : petit soldat bleu horizon