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l’ancienne armée. C’est là votre force. Puisque vous voulez travailler dans le sens que je vous indique, je vous appuierai de toutes mes forces et collaborerai intimement avec votre président. »

Le 18 mai, au cours d’une manifestation organisée par le « Cercle d’étudiants de Munich » et à laquelle assiste le prince Ruprecht avec une foule d’officiers, Ludendorff déclare dans l’enthousiasme général : « Fidèle aux principes de Bismarck, le peuple allemand doit rester plus uni qu’aucun autre peuple... Notre premier souci doit être de libérer notre pays de l’étranger ; tout ce qui peut nous séparer n’est, auprès de cela, que secondaire. Nous avons malheureusement oublié les leçons de Bismarck sur la force et quand le glorieux chancelier eut donné sa démission, nous n’avons pas su utiliser la nôtre... Le mensonge de la responsabilité allemande dans la guerre a été percé à jour lors du récent procès Fechenbach [1]... L’Allemagne n’a plus aujourd’hui ni liberté, ni droits, parce qu’elle est sans force. Il est trop tard pour suivre la grande leçon donnée par Bismarck, mais il est de notre devoir d’y revenir et de rétablir la volonté du peuple allemand ; nous y parviendrons en reprenant l’esprit de l’ancienne armée : sacrifice, désintéressement, discipline et obéissance. »

Le 24 mai, à la manifestation ultra-réactionnaire de la « Ligue nationale des officiers, » à Augsbourg, il recommande au peuple de « rester fidèle à lui-même, uni dans toutes ses classes, de garder opiniâtrement la volonté de défendre la patrie et de croire en ses chefs. »

Le 24 mai, à la fête commémorative des troupes bavaroises de communication, il prétend qu’avant la guerre, l’Allemagne

  1. Fechenbach était un ancien secrétaire de Kurt Eisner. Il s’était réfugié à Halle qui n’est pas en Bavière, soit dit en passant : c’est là que le Gouvernement bavarois, moins pointilleux pour lui-même que pour les autres, le fit arrêter par ses policiers. Traduit devant un tribunal pour crime de haute trahison, il y fut l’objet d’une véritable parodie de justice. Son crime ? Avoir communiqué au journal français le Temps, — qui proteste d’ailleurs, — une lettre dérobée aux archives des Affaires étrangères bavaroises. Il est vrai que cette lettre, datée de juillet 1914, était adressée par le ministre de Bavière à Berlin (comte Lerchenfeld) au président du Conseil bavarois (comte Hertling, devenu depuis chancelier) et prouvait que, dès le 20 juillet 1914, l’Allemagne, qui le nia toujours, était au courant du contenu de l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie. Le tribunal, naturellement, tout en reconnaissant l’authenticité du document, conclut qu’il avait été inexactement communiqué et condamna le coupable.