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nationalistes ; l’un d’eux, dans une réunion publique à Wurzbourg, couvrit le Président d’injures ; ceux de Munich votèrent une motion sommant le Gouvernement de faire le nécessaire pour que le voyage n’eût pas lieu, « attendu qu’Ebert personnifie la révolution, qu’il ne peut être considéré comme un président légal et que son arrivée apparaîtrait à la population bavaroise comme une provocation monstrueuse. » En guise de bienvenue, le Président put lire dans les journaux une lettre ouverte, à lui adressée, où toutes les associations patriotiques protestaient contre la Constitution « de fortune » de Weimar et le système politique qu’elle a inauguré. Quand il débarqua, sociétés nationalistes et ligues d’officiers s’en furent, en signe de protestation, déposer une couronne, enrubannée aux anciennes couleurs impériales, sur la tombe du roi Louis III, tandis que la foule s’efforçait de brûler le drapeau de la République que les autorités s’étaient difficilement résolues à faire hisser sur un bâtiment ministériel. Pour amener le cortège de la gare au domicile du comte Lerchenfeld, on dut procéder à de nombreuses arrestations et, sur le parcours, on entendit plus de sifflets que l’on ne vit se soulever de chapeaux.

Hindenburg s’annonce, et tout change. Les partis monarchistes mobilisent tous leurs adhérents pour lui faire une entrée triomphale. Les murs sont littéralement couverts d’affiches invitant les habitants à pavoiser aux couleurs bavaroises [1] et impériales : de leur côté, les ligues militaires ont convoqué le ban et l’arrière-ban de leurs membres, car elles veulent présenter au maréchal, lors de la parade qui doit avoir lieu au Jardin royal, tout ce que la Bavière compte d’officiers ayant servi dans l’armée et la marine. La question est posée de savoir si la Reichswehr participera officiellement à la réception ; le ministre central de la Guerre refuse, mais l’indignation des monarchistes est telle que Lerchenfeld est obligé de demander le retrait de cette décision ; le ministre capitule : sans doute la Reichswehr n’ira pas au Jardin royal où doivent se tenir toutes les associations dont un certain nombre sont d’ailleurs interdites, mais Hindenburg la pourra passer en revue sur un autre emplacement !

A la gare, le maréchal est reçu par von Kahr, son hôte, et

  1. Bleu et blanc.