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musiques en tête, — vers la légation de France où, cette fois sans obstacles, ils peuvent proférer injures et menaces contre notre pays. Les nationalistes reprochent amèrement à Lerchenfeld son voyage à Berlin ; ils l’accusent de capitulation, l’invitent à céder la place à un Gouvernement plus énergique, — présidé par von Kahr sans doute, — qui saura soutenir, selon les principes de Bismarck, les droits des Etats confédérés contre la tendance du Reich à l’absorption. Von Kahr triomphe en effet ; il prend la direction de la résistance ; il détourne la question et va partout discourant contre la France, « cette ennemie héréditaire qui demeure armée jusqu’aux dents, pour mieux réduire l’Allemagne à l’esclavage ; » il rappelle comment, en 1807, la Prusse sut préparer la régénération du peuple allemand ; aujourd’hui, c’est lui, von Kahr, qui, combattant les lois du Reich, lutte pour les libertés du peuple !

Le Landtag apeuré, — tous les chefs des groupes réactionnaires de province se sont réunis à Munich, — repousse le compromis de Berlin ; tout est à recommencer. Le Vorwaerts a bien raison d’écrire qu’il existe en Bavière deux Gouvernements : l’un officiel qui n’est rien moins que solide et l’autre, pas officiel du tout, qui organise la réaction contre la République en attendant qu’il s’empare du pouvoir.

De nouveau les ministres de l’Intérieur et de la Justice sont dépêchés à Berlin. Lerchenfeld, instruit par l’expérience, se tient cette fois sur une réserve absolue et ne les accompagne pas. En revanche, il use de sa propre ordonnance pour réclamer du Gouvernement central l’interdiction en Bavière du journal communiste berlinois le Drapeau rouge qui a pronostiqué la continuation de la « haute-trahison » de la Bavière, et il suspend de son propre chef le Moniteur de Miesbach, — feuille bavaroise, — qui s’est permis d’inviter ses lecteurs à marquer leur mécontentement du soudain revirement du Gouvernement bavarois dans son conflit avec le Reich.

A Berlin, les deux ministres annoncent que Munich n’approuve pas sans réserves le précédent compromis et demandent qu’il soit procédé à un nouvel examen des points litigieux. En fait, ils ne réclament que des éclaircissements destinés à donner quelques apaisements aux irréductibles, — du moins ils le croient, — et ils les obtiennent sans beaucoup de peine. Le chancelier est trop heureux de prendre l’engagement de respecter désormais les