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possible contre un État aussi puissant ; d’ailleurs, la Reichswehr consentirait-elle à servir d’instrument de contrainte ? Quant à l’emploi que préconisent les socialistes du grand remède déjà utilisé contre von Kapp, la grève générale, que signifierait-il dans un pays où la grande majorité de la population est précisément organisée pour lui faire échec ? On réfléchit donc.

De son côté, Lerchenfeld en fait autant, car la Bavière du Nord, — la seule qui comprenne quelques centres industriels importants, — lui fait savoir, par la voie de 21 municipalités, qu’elle n’admettra pas la mise en question de son attachement à l’Empire. Nuremberg, en particulier, affirme sa fidélité au Reich et proteste contre l’inobservation par Munich de lois conformes à la Constitution. Le chef du parti populiste, lui-même influencé, déclare au Landtag qu’à Berlin, en réfléchissant calmement, on doit pouvoir trouver une formule qui respecte les droits des Etats particuliers, tout en accordant au Reich ce qui lui/est dû. C’est un évident appel au compromis, à la condition toutefois que le Reich commence par en faire les frais.

A Berlin, si l’on déclare l’ordonnance « inconstitutionnelle et non valable, » on n’en note pas moins avec satisfaction que le gouvernement bavarois n’a pas mis en cause la formule républicaine de l’Etat, et l’on exprime l’espoir qu’il ne se dérobera pas davantage aux exigences que, dans l’intérêt de l’unité allemande, le Gouvernement du Reich se verra dans l’obligation de formuler. En attendant, la parole est passée au président Ébert.

C’est un homme prudent qui sait fort bien à quelles extrémités monarchistes il acculerait la Bavière, s’il se montrait par trop intransigeant et usait de tous les droits à lui conférés par la Constitution. D’accord avec son chancelier et avec le président du Reichstag, il adresse à Lerchenfeld une lettre bien douce pour lui conseiller de retirer son ordonnance, moyennant quoi des concessions lui seront faites.

Lerchenfeld ne peut rien décider sans l’assentiment de ses chefs de partis ; il met plusieurs jours à répondre et, lorsqu’il le fait, en restant d’ailleurs sur ses premières positions parce qu’on ne lui permet pas d’autre attitude, il prend soin de laisser la porte ouverte à de nouveaux pourparlers : « son ordonnance n’est pas contraire à la Constitution ; c’est lui qui est responsable