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personnalités peuvent librement déployer leur action. Si nous apprenions, par exemple, que Munich est la capitale d’un Etat de bourgeois et paysans catholiques, réactionnaires, nationalistes, monarchistes, conservateurs, exempts, ou presque, de toute contre-partie ouvrière, prêts à relever le trône des Wittelsbach, — les Wittelsbach, en comparaison de qui les Hohenzollern ne sont que des parvenus, — c’est-à-dire capables de donner le bon exemple au reste de l’Allemagne et, au besoin, de le lui imposer, qu’en déduirions-nous ? Que le milieu est essentiellement favorable à qui professe des opinions réactionnaires, à qui ne se borne pas à avoir des convictions personnelles, mais entend aussi convaincre les autres et, le cas échéant, les contraindre, pour qui le vieux dicton : « Qui veut la fin veut les moyens, » est autre chose qu’une vaine formule. Nous en déduirions qu’un homme de cette sorte ne risque, en Bavière, d’être inquiété ni pour ses opinions, ni même pour ses agissements, et qu’en des circonstances graves, il pourrait compter sur la complicité occulte, sinon déclarée, des citoyens et des pouvoirs publics.

En vérité, si la Bavière et Ludendorff étaient bien le pays et l’homme que nous venons de dire, nous saurions pourquoi celui-ci habite celui-là


I. — LA RÉACTION EN BAVIÈRE

La Bavière est-elle cela ? Elle l’est, à n’en pas douter. Au lendemain de la guerre, un mouvement révolutionnaire y éclata comme dans toute l’Allemagne. Un certain Kurt Eisner détrôna les Wittelsbach et proclama la république ; c’était une république communiste bien rose en comparaison de la rouge dictature de Moscou. Ce coup de surprise, une intime minorité l’avait pu réussir dans le désarroi de l’heure, mais la durée n’en pouvait être qu’éphémère en un pays centralisé, à population instruite et disciplinée, où 80 pour 100 des habitants, — un député bavarois l’a déclaré à la tribune du Reichstag, — étaient foncièrement monarchistes. Dès que bourgeois et paysans furent revenus de leur stupeur, la république d’Hoffmann, successeur de Kurt Eisner assassiné, fut balayée en un instant. Le même mouvement de réaction, tenté à Berlin où les partis avancés dominent, n’avait pu réussir ; il se fit à Munich sans difficulté.

Cependant, l’étiquette républicaine fut provisoirement conservée ;