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Entre la politique d’un Léon XIII à l’égard de l’Italie, et ses sentiments intimes, il n’y avait pas divorce. Aujourd’hui s’est produit le dédoublement que voici. D’une part, la Papauté reste fidèle à l’attitude de neutralité que son caractère mondial lui impose ; elle l’a montré pendant la guerre ; elle continue à le montrer aujourd’hui. Elle est au-dessus des patries, les dominant toutes. Mais d’autre part, un Pape ne croit plus devoir, en prenant la tiare, renoncer à son amour pour son pays. Au contraire, il manifeste volontiers cet amour dans ses conversations privées ; il participe à ses joies comme à ses deuils ; si une calamité vient à le frapper, il ne feint pas de l’ignorer. Un Monsignore me suggère cette formule : « Maintenant, le Pape aime tous les peuples d’un amour paternel, et l’Italie d’un amour filial. »

Tels sont les différents mouvements d’opinion que l’on m’indique ici. A vrai dire, il n’y manque que l’essentiel : c’est à savoir la pensée du Pape lui-même. Lorsque Benoit XV, le Pape de la guerre, regarde Rome du haut des chambres du Vatican, quelles idées naissent dans son esprit ? quelles volontés ? quels désirs ? Heureux qui pourrait les rapporter ! Ce n’est pas moi. « On fait trois pas en avant, deux pas en arrière, » me souffle encore un ancien attaché à la diplomatie pontificale, qui aime les images ; « de sorte qu’on avance tout de même un peu. » Soit. A la vérité, il semble que la guerre ait changé quelques données du problème, sans en fournir encore la solution.


AUTOUR DU PAPE

Ce qui fait la grandeur du Vatican, ce ne sont pas ces escaliers majestueux, ces cours, ces antichambres, ces passages, ces voûtes, ces couloirs, dédale où le visiteur se trouve étrangement perdu. Ce n’est pas la perspective de ces salons en enfilades qui, sous leurs vastes plafonds à caissons, à fresques, à volutes, tendus de soie, de damas, de brocart, font éclater la gamme des rouges et des ors. Tapisseries, tableaux, sculptures, grands Christs d’ivoire, lourdes pendules, tables de mosaïque ou de marqueterie, consoles, tapis étendus sur les dalles de marbre poli : ces salons immenses ont recueilli l’apport de tous les siècles et de tous les pays, pour la montre et pour l’apparat. Profusion qui fatigue, éclat que l’on souhaiterait plus discret, abondance où l’on voudrait voir davantage l’œuvre du goût, entassement de